Un an plus tard, je reviens avec un test Retro de 500 lignes.
Seiken Densetsu III
Suite du cultissime « Secret Of Mana », épisode-phare d'une saga que personne n'a oubliée malgré son assassinat 3D, Seiken Densetsu III fut pour beaucoup une sorte de fantasme vidéoludique ultime. Sorti au Japon en 95, Square Soft, semblant ignorer à quel point son aîné avait pourtant cartonné sur les marchés US et Européens, ne laissera pas un de ses meilleurs jeux 16 bits s'aventurer en dehors des contrées nippones. Décision forcément dure à avaler pour une horde de fans alléchés et frustrés, qui n'allaient toutefois pas en rester là.Difficile en effet de démarrer ce test sans applaudir une fois de plus l'énorme taf' des teams de traduction à l’œuvre sur ce Seiken 3. Car ce sont bien eux qui ont donné bénévolement de leur temps pour permettre à des milliers de joueurs de parcourir autre chose qu'une aventure incompréhensible, dans l'espoir, à défaut, de se nourrir des quelques qualités universelles du soft : des graphismes comptant parmi les plus beaux jamais conçus sur 16 bits, et une bande-son à peu près à la hauteur de son illustre grande sœur. Mais comme un jeu de cette envergure ne s'apprécie correctement qu'en bénéficiant de tout ce qui en construit l'atmosphère, sans même parler du défi que représente la maîtrise du gameplay en l'absence d'éléments de compréhensions solides, certains comme moi ont patiemment attendu un miracle. Un miracle qui est arrivé puisque non-seulement j'ai pu mettre la main sur une version française d'excellente qualité – je n'ai pas noté plus de 2 ou 3 maladresses de traduction, absolument mineures – mais j'ai aussi eu la chance de bénéficier d'une version cartmoddée, c'est à dire portée sur une véritable cartouche SNES, pour y jouer dans les conditions du « réel ». La précision n'est pas vaine, puisque les habitués de l'émulation le savent très bien : il faut utiliser des filtres graphiques, et des manettes non-officielles de qualité plus ou moins correcte, pour y jouer sur PC dans des conditions décentes. Mais ce n'est jamais exactement la même chose, raison pour laquelle Je n'ai pas cédé aux sirènes de l'émulation, pour enfin, en 2011, jouer à un jeu qui n'est pas sorti, et que j'ai attendu plus de 15 ans. Le monde des geeks est formidable.
Un aspect intéressant du jeu : l'alternance jour/nuit, qui au-delà de la claque graphique, pourra avoir des répercussions sur vos personnages.L'histoire, une marre à clichés ?S'il est un point qui appelle à faire preuve d'une certaine clémence, voire d'une forme de bienveillance complice, lorsque l'on parle d'un Seiken, concerne le caractère stéréotypé du scénario. Peut-être plus encore que les autres représentants du genre, la saga mouline des figures imposées scénaristiques assez béantes : il est question d'une malédiction des Dieux, d'une épée et de guerriers légendaires, d'un arbre source de vie, et de péripéties géographiques qui vous entraîneront immanquablement dans des forêts, des paysages glacés et des déserts de sable. Je ne m'y attarderai pas trop, principalement par peur du spoiler malheureux, mais grosso-modo, les indéboulonnables du genre sont là, avec leur lot de rebondissements plus ou moins bien sentis. Mais paradoxalement, l'essence de la série réside aussi en ces archétypes presque grossiers, qui s'ils venaient à manquer, nous laisseraient probablement sur notre faim. Il appartient de toute façon aux références de manipuler les symboles les plus distinctifs d'un genre que d'une certaine façon, ils définissent. Et Seiken Densetsu peut justement se revendiquer de ces références, ça tombe bien.
Les statues en or vous permettent de faire coup double en sauvegardant, et en refaisant le plein de magie/santé. A droite, l'écran en marge des menues déroulant, un peu bordélique, mais primordial.En terrain connu, mais pas tropParmi les nouveautés qui font de cette suite bien plus qu'un relifting graphique, il y a ce choix d'emblée de partie, déjà crucial : 6 personnages – au passage, tous parfaitement charismatiques – vous sont proposés, et il vous faudra en sélectionner 3. Et si c'est déjà crucial, c'est bien parce que le reste de votre partie dépendra largement de l'équipe que vous aurez constituée, en tant qu'il sera préférable qu'elle soit complémentaire, pour mettre en place des schémas tactiques valides lors des combats à venir. Évitez donc les associations exclusives de gros bras, ou à l'inverse de frêles jeunes filles guérisseuses. Vous aurez besoin des apports de différents profils.
Mais ce que cette diversité de protagonistes apporte de plus notable au jeu, c'est une rejouabilité hors normes. Au moins trois prologues différents, avant une trame scénaristique certes plus linéaire, mais surtout des évolutions de personnages particulièrement nombreuses et assez stratégiques. Chaque perso' pourra – devra, en fait, si vous voulez vous donner une chance – changer deux fois de classe durant le jeu. Là encore, mieux vaudra ne pas s'en remettre au hasard, et réfléchir à ce qui pourra se révéler le plus profitable à votre trio. Il vous appartiendra en effet de choisir entre ombre et lumière, pour respectivement augmenter les capacités offensives ou défensives de vos personnages. Cela influera notamment sur les magies que vous serez en mesure d'apprendre, et donc sur les niveaux d'expérience des différents critères d'évolution des perso' : force, agilité, esprit, intelligence, chance, vitalité etc. Vous avez la main sur tout, et n'importe quel « level-up » suppose un choix : que choisirez-vous d'augmenter ?
Selon vos préférences de jeu et vos affinités tactiques, à vous d'être perspicace. Et c'est ce qui me pousse à dire que les duels face aux boss sont notamment bien plus intéressants – et plus épiques – que dans « Secret Of Mana », où il suffisait de bombarder la magie idoine, sur une cible à qui il ne fallait pas laisser le temps de réagir. A deux ou trois exceptions près (Tigror, et le Démo Mana par exemple, pour les connaisseurs), c'était un écueil systématique. Cette fois, je n'ai à vrai dire utilisé pour ma première partie que des magies de soin, et n'ai attaqué qu'avec les charges permises suite aux changements de classe : après plusieurs coups portés, chaque perso verra en effet une barre d'énergie se remplir, et une fois celle-ci pleine, vous pourrez envoyer une sorte de furie qui fait plus ou moins mal selon les profils. Ces furies ne vous seront toutefois accessibles qu'après votre premier changement de classe.
Ce fut pour ma première partie ma seule arme offensive, ayant fait le choix de concentrer mes efforts sur les magies défensives. Et je sais qu'il me sera possible de changer totalement mon fusil d'épaule si je veux retenter l'aventure, avec d'autres personnages, des classes et des caractéristiques différentes.
Seiken 3 se boucle pour un habitué en une vingtaine d'heures de jeu, mais on se le refait volontiers au moins deux fois, sans avoir l'impression de rejouer tout à fait à la même chose. C'est une qualité suffisamment rare pour être soulignée.
Et Pourtant...Si l'on pensait pouvoir titiller la perfection de suffisamment près pour tenir entre nos mains le jeu d'action-RPG ultime – ce que pas mal d'observateurs pensent d'ailleurs encore aujourd'hui, malgré tout – quelques défauts notables doivent nous conduire à la nuance. Pour le moins gênant d'entre eux, soulignons quand même que les menus sont étonnamment moins ergonomiques et instinctifs que ceux de « Secret Of Mana ». Tout n'est pas accessible depuis les menus circulaires déroulants, et pour ce qui concerne notamment la gestion des armes et armures, on perd du temps à naviguer d'un écran à l'autre. On retrouve malgré tout la plupart des options de son prédécesseur, avec la bonne idée cette fois-ci de pouvoir gérer un inventaire : cela vous permettra de vous mettre de côté des objets que vous pourrez échanger avec ceux du menu déroulant, ou de stocker ceux que vous craignez d'épuiser trop vite. Pratique.
Plus gênant, et seul véritable point noir du soft : les phases d'action/exploration sont bourrines et bordéliques. Autant dans « Secret Of Mana », vous pouviez – à la manière d'un Zelda 2D, en quelques sortes – affronter ou non les monstres que vous croisiez, autant cette fois-ci vos perso' se mettent à ralentir lorsque des ennemis se trouvent à l'écran , ne vous laissant guère le choix que de croiser le fer. Là encore, admettons. Le problème, c'est que le Gameplay en devient lourd : vous tapez comme un sourd sur le bouton de frappe, sans forcément chercher à vous déplacer correctement, ou faire preuve d'un minimum d'adresse au combat. Pas de skills requises, tout ne consistera guère qu'à vous assurer que vous bénéficiez d'un level suffisant pour vous mesurer aux monstres de tel ou tel environnement, et de soins suffisants pour aller au bout de votre périple. On s'y fait, et cela permet de se concentrer sur une forme d'équilibre nécessaire dans l'équipe, entre ceux qui doivent cogner, et ceux qui doivent guérir. Mais si le jeu avait été plus plaisant dans ces phases-là, c'était le coup de maître absolu. Là en l'occurrence, c'est ce qui en fait à mon sens un jeu très légèrement inférieur à son grand-frère. Même si sur ce point, comme dirait l'autre, « ça se discute ».
Plusieurs façons de voyager dans le jeu : par les canons, le bateau, le poisson-rasta (?!), et bien évidemment, Flammy.Chef d’œuvre ?Il n'empêche, j'ai attendu ce jeu avec une impatience qui aurait pu me conduire 100 fois à le trouver finalement décevant. Fantasmer un jeu pendant plus de 15 ans, c'est en général ce qui conduit tout droit au « J'en attendais mieux ». Sauf qu'il passe avec brio ce qui constituait son défi numéro 1 : rendre hommage à l'incroyable atmosphère immersive et émouvante de la saga. C'est un vrai Seiken, pas une pâle copie d'un jeu culte. Déjà parce que les personnages sont d'une classe monstre, parce que le bestiaire rappelle évidemment « Secret Of Mana » sans se contenter de le singer, parce que l'esthétique du jeu est tout bonnement bluffante, parce que les boss en jettent grave, parce qu'on s'émerveille comme des idiots à visiter chaque habitation de chaque village pour ne pas en perdre une miette, et parce que Hiroki Kikuta a encore fait des merveilles à la musique. Un peu plus centré sur l’action, globalement plus sombre, et plus épique par endroits – j'ai dû batailler plus d'une demi-heure contre le dernier Boss - « Seiken Densetsu III » garde ce qui a fait la légende de son aîné, à savoir cette espèce de soin constant apporté à l'ambiance, à la fois respectueuse des traditions les plus classiques du genre, et suffisamment personnelle pour ne pas tomber dans le piège du « pareil en moins bien ».
Témoin intact d'un âge d'or du RPG qui ne galvaude pas son nom, « Seiken Densetsu III » mérite tout l'intérêt des amateurs du genre, au delà des seuls retrogamers.
Les magies en jettent, si seulement vous en doutiez.TechniqueLa 2D ne vieillit pas, ce jeu en apporte une énième preuve éclatante tant c'est un régal graphique absolument intégral. Tous les environnements impressionnent, d'autant que la plupart bénéficie d'une alternance jour/nuit du plus bel effet. Par ailleurs, les animations, certes minimalistes, remplissent largement leur office et contribuent même au charisme des personnages. Comme le tout est saupoudré de magies qui en jettent bien comme il faut, c'est le sans faute indiscutable.
GameplayDu nettement mieux par rapport à « Secret Of Mana » quand il vous faut affronter des Boss, ou gérer le leveling de vos perso', mais aussi du nettement moins bien lors des phases pourtant nombreuses d'action, particulièrement confuses. Dans l'ensemble, ça reste une niche de bonne idées dont on se demande pourquoi elles se sont envolées aujourd'hui.
Durée de vieSi vous ne comptez le finir qu'une fois, c'est entre 20 et 30 heures d'efforts. Si vous voulez profiter de tout ce que le jeu a à offrir via sa multitude de personnages, et d'options d'évolution du système de classes pour chacun d'entre eux, multipliez au moins par 3.
Bande sonOn n'atteint pas tout à fait le niveau de magnificence de l'épisode précédent de la saga sur ce point, mais on en est si proche qu'il faudrait être particulièrement pointilleux pour faire la fine bouche.
IntérêtL'aventure se parcourt sans jamais s'ennuyer, délestée qui plus est des phases de leveling répétitives qui marquaient la progression d'un « Secret Of Mana ». Mieux que ça, elle procure une émotion propre à la saga, et rend un hommage vibrant à son nom. On ne pourra malheureusement pas en dire autant des suites à venir, alors si vous êtes client et que vous en avez l'occasion, faîtes-vous votre propre idée.
