
Né le 13 Juillet 1929 à Paris. Décédé (infarctus) le 14 Mars 2004 à Angoulême.
Personnalité proprement incontournable de l'histoire du cinéma d'animation en France, René Laloux fut surtout l'un des rares cinéastes hexagonaux, sinon le seul, à considérer la science-fiction comme genre narratif majeur méritant une meilleure exposition sur les écrans européens. Envers et contre tous.
"Le vrai cinéma, c'est l'animation !"
Laloux réalise son premier court-métrage animé Les Dents Du Singe en 1960, à l'intention des malades dont il s'occupe dans la clinique psychiatrique de Cour-Cheverny. Le film malicieux et surréaliste remporte le Prix Emile-Cohl et génère un petit écho dans les milieux spécialisés, guère étendus à l'époque.
Il rencontre quelques années plus tard Roland Topor, avec lequel il crée deux autres court-métrages remarqués en 1964 et 1965 : Les Temps Morts, monologue graphique sur l'inaltérable spirale de la violence humaine, et le complètement barré Les Escargots, dans lequel ces braves gastéropodes attaquent nos vertes campagnes. Ce dernier préfigure en partie le style visuel "peinture à l'eau" et la cinétique en papier découpé du colossal projet que Laloux et son collègue ambitionnent : le long-métrage La Planète Sauvage.
Réalisé en Tchécoslovaquie et ce plus pour des raisons budgétaires que pour les sympathies communistes revendiquées par le réalisateur, La Planète Sauvage paraît en 1973 au terme de quatre années d'efforts. Librement adapté du roman de SF Oms En Série de Stefan Wul, c'est un conte psychédélique – la bande-son est ostensiblement inspirée de Pink Floyd – et diffusément politique dans lequel les Oms / Hommes ont été réduits à l'état d'animaux de compagnie pour distraire les enfants des Draags, une race extraterrestre géante ayant atteint les hauteurs de la connaissance méditative.
Le film récoltera de nombreuses récompenses à commencer par le Prix Spécial du Jury à Cannes et compte aujourd'hui parmi les plus grands classiques de l'histoire de l'animation pour adultes. Même si son visuel pourra sembler désuet aux jeunes générations, La Planète Sauvage présente à l'instar de ses deux successeurs signés Laloux l'immense avantage d'être un authentique film de SF ; comme il ne s'en fait pour ainsi dire, plus.
Le second long-métrage de Laloux, Les Maîtres Du Temps en 1981, est à nouveau conçu sur la base d'un ouvrage de Wul, L'Orphelin De Perdide, mais cette fois articulé autour des dessins de Moebius. Les faibles moyens alloués au film ne lui permettront cependant pas tout à fait de mettre en valeur le design du génie de Metal Hurlant. Ici, point de découpages et autres techniques artisanales, mais une animation sur celluloïd plus conforme à celle des idoles de jeunesse de Laloux. Animé en Hongrie, le long-métrage souffre d'une irrégularité qualitative saisissante d'une séquence sur l'autre : certains personnages se montrent très rigides, tandis que d'autres – en particulier les extraterrestres télépathes so manga – sont un véritable régal à regarder se mouvoir dans des décors au pouvoir souvent très évocateur, Moebius oblige. L'histoire, sorte d'itération futuriste du Petit Poucet, narre le périple d'un équipage spatial à destination de la planète Perdide sur laquelle un enfant se trouve en danger de mort. En dire plus serait en dire trop, mais le film se conclue d'une manière que n'aurait pas renié l'immense Osamu Tezuka dans ses oeuvres courtes. Pas nécessairement le plus "arty" du cinéaste, mais sans aucun doute le plus pulp, le plus subculturel, et par conséquent, le moins daté.
"Le style réaliste et remarquablement élaboré de Mœbius aurait nécessité, pour Les Maîtres Du Temps, un budget plus élevé que celui dont j’ai disposé. Si je peux considérer que le scénario de ce film est excellent, je ne peux pas en dire autant de toutes les séquences, pour le dessin des personnages et l’animation."
Moebius parti, c'est avec une autre célébrité de la science-fiction que Laloux souhaite désormais collaborer ; il s'agira de Philippe Caza. Ensemble, ils créent deux court-métrages pour se rôder au plat de résistance : La Prisonnière en 1985 est un récit fantastique sur l'ignorance et l'obéissance, et surtout Comment Wang-Fo Fut Sauvé en 1987, d'après la nouvelle éponyme, le requiem de Laloux centré sur la signification sociale de la création artistique.
La carrière cinématographique de Laloux trouve un point final en 1988 avec Gandahar, illustré par Caza et animé en Corée du Nord. Appuyé sur le roman de Jean-Pierre Andrevon, Les Hommes Machines Contre Gandahar, le film relate l'assaut des humanoïdes de métal contre le Conseil Féminin de Gandahar pour mettre à mal l'harmonie naturelle du pays. Une fois encore, l'inventivité visuelle du film doit compenser les lacunes d'animation induites par un budget liliputien. N'en demeure pas moins, intact, l'effroi chez l'enfant que j'étais à la vue de ces soldats robotiques et impersonnels.
Le long-métrage sera importé aux Etats-Unis pour être charcuté en long et en travers. Après avoir changé l'ordre des scènes et dépourvu la production de sa musique originale, le marketing demandera à Isaac Asimov de modifier deux virgules dans le script afin d'apposer son nom sur l'affiche et le manitou Harvey Weinstein, sorte de Carl Macek ayant pignon sur rue, de s'arroger le titre de réalisateur du film en lieu et place de Laloux. L'indifférence totale du public et des critiques japonais vis-à-vis du film ne constituera que le petit plus de la maltraitance internationale de Gandahar.
Déjà très frustré par le peu de considération locale dont il fait l'objet, Laloux exsangue de toutes ses démarches ici et là désespère de la mine auto-satisfaite du cinéma français. En 1996, après dix ans d'insistance, il parvient enfin à faire financer son film heroic-fantasy baptisé A L'Ombre Du Dragon, d'après un roman de Serge Brussolo ; mais au moment où il réunit la somme, son collaborateur Patrice Sanahujas décède, ce qui met un terme à la production. En 1998, sa dernière tentative de long-métrage, L'Oeil Du Loup d'après un livre de Daniel Pennac, n'aboutit qu'à un nouveau mur faute de mécènes intéressés – le projet sera néanmoins mené sous une autre forme par une tierce équipe. Dès lors, René Laloux se consacre, et ce jusqu'à sa mort, à l'écriture, l'archivage et l'enseignement, toujours dans le domaine de l'animation et de l'image.
S'il faut continuer, aujourd'hui, de mentionner l'oeuvre de ce monsieur à la verve truculente, c'est qu'il est littéralement impossible de discuter d'animation française, ni même de science-fiction hexagonale, sans en passer tôt ou tard par son héritage. Comme d'accoutumée, son importance cardinale est inversement proportionnelle aux rarissimes rediffusions dont sa trilogie SF a pu bénéficier à la télévision ces quarante dernières années.
Car Laloux s'est avant tout battu contre un système de production français dont la médiocrité ne cesse de nous épater.
Filmographie Long-Métrages (Complétés) :
La Planète Sauvage (1973)
Les Maîtres Du Temps (1981)
Gandahar (1988)
Filmographie Court-Métrages (Complétés) :
Les Dents Du Singe (1960)
Les Temps Morts (1964)
Les Escargots (1965)
Les Hommes-Machines (1977)
La Prisonnière (1985)
Comment Wang-Fo Fut Sauvé (1987)
Bibliographie : Les Mondes Fantastiques De René Laloux