Tabris a écrit:il parle justement de ce discours rétrograde qui ressort assez souvent, mettant en avant la supériorité qualitative d'une auberge ancienne en comparaison des modernes, la nécessité de se plier au système de valeurs traditionnelles, l'héritage du commerce familial...
Que le Japon soit l'un des derniers sanctuaires de traditionalisme du monde (et ses dessins sataniques qui bougent encore plus) n'est plus à prouver, c'est même pour ça que je continue de regarder - j'avoue même que je ne m'attendais pas à autant de positivisme ici. Mais en y réfléchissant bien, je ne vois même pas en quoi ce que tu viens de citer participe à un discours "rétrograde" (avec toute la portée péjorative du mot).
Plus précisément, ce n'est pas "le discours progressiste" qui est attaqué, mais la séquence libéralisme intellectuel (=> progressisme => libéralisme économique => optimisation maximum => oligarchie) => déshumanisation qui est vue de plus en plus comme une fatalité (ce qui ne m'apparaît pas certain) par des gens qui, je le rappelle, voient quand même leurs conditions de vie dans la "modernité" se désagréger, au point de renouer avec une vie spirituelle pour ne perdre complètement la boule.
La nécessité des valeurs traditionnelles prônée par de plus en plus de gens aujourd'hui n'est pas dû à un anti-modernisme primaire chez les aigris (ou au ventre de la Bête Immonde qui serait fécond), elle vient tout simplement de constatations concrètes : les sociétés traditionnelles ont pu tenir des décennies, des siècles et mêmes des millénaires alors que notre société moderne droit-de-l'hommiste hoquète à tout bout de champ. Ce n'est pas "revenir à", mais "réinstaurer (une partie) du", et on le voit dans cet anime où d'ailleurs rien de ce qui arrive n'est surréaliste (à part les épisodes drôles à la FMP), seulement dans le concret "la manière dont faisaient les gens avant était non seulement belle, mais aussi fonctionnelle". C'est peut-être de l'idéologie, mais ce n'est certainement pas de la propagande ou de la falsification. Je parle de positivisme parce que je ne crois pas que l'affirmation "si ça a tenu aussi longtemps de cette manière, c'est que ce n'est pas totalement pourri" soit plus farfelue que "comment les gens ont-ils fait pour rester cons aussi longtemps".
Pareil pour l'héritage du commerce familial si on voit dans le commerce non pas une simple machine, mais une institution qui donne un sens à la vie. Ça participe aussi à la vision traditionnelle des choses (anti-individualiste et anti-égoïste) qui veut que l'on ne vit pas seulement sa propre vie, mais aussi celle de tous ceux qui nous ont précédé et de tous ceux qui suivront, en l'honneur justement de ceux qui ont vécu dans le passé pour nous et de ceux qui vivront pour nous dans l'avenir. Ça peut sembler ringard, mais de l'autre côté, nous on voit le "je vis pour moi ici et maintenant parce que je le vaux bien" comme laid et vicieux, ça va dans les deux sens.
C'est une autre vision du monde dans laquelle je n'ai même pas baigné tant que ça figurez-vous et qui m'apparaît, vu toutes les beautés qu'elle recèle et le malaise de la modernité que je ressens, comme au moins aussi valable que l'idéologie dominante du moment.
Tetho a écrit:Toutes les tentatives de moderniser le Kissuisô échouent et sont portées par le personnage ridicule, et ce sans subtilité, de Takako.
Elle ne veut pas moderniser le Kissuiso au niveau pratique, mais simplement au niveau esthétique, en gros elle vient de la pub. Et comme de plus en plus de gens se mettent à admettre que "l'art nouveau" et "l'art appliqué" est tout simplement moche et agressif, le publicitaire passe de plus en plus pour ce qu'il est : un guignol et un capo. Encore une fois, ce n'est pas la modernité réelle qui est critiquée, mais la pseudo-modernité dans les grigris qui set surtout à entuber les gens, soit le contraire d'un amour collectif et d'une chaleur humaine qu'on cherche justement à retrouver dans une auberge.
Je sais pas à quoi ça ressemble en France, mais j'ai vu des auberges à l'ancienne à la campagne ici : c'est des trucs de bobos. C'est très cher parce qu'y a très peu de place et les clients raffolent du service à l'ancienne, ce service humain et chaleureux (qui n'a rien à voir avec "l'apparence de la chaleur" que les cyniques voient partout) qu'ils ne retrouvent plus même dans leurs fréquentations et dans les dîners en ville.
Tetho a écrit:On peut aussi ajouter un discourt assez rétrograde sur la condition de la femme. Dans l'épisode 7 la morale semble "une femme peut travailler après ses 30 ans et s'y épanouir, mais seulement si c'est pour ensuite fonder une famille". Dans les épisodes 14-15 Yuina commence avec un discourt progressiste, mais se ravise ensuite, une femme qui dit vouloir faire ce qu'elle veut est juste une femme qui ignore la valeur du vrai travail. Et je ne parle pas de la mère qui est montrée comme irresponsable, dilettante et pas sûr de confiance.
Gardons quand même en tête qu'il s'agit d'une gamine de 16 ans qui parle, le lycée ayant une portée socialisatrice quasi-nulle.
Quant au discours pseudo-progressiste "je veux faire ce que je veux", ça se traduit souvent par "je veux me la couler douce", et ce n'est pas spécifique aux femmes, mais plutôt à la jeunesse. Dire que l'on veut "faire ce que l'on veut" à un âge où l'on n'a aucune idée du fonctionnement du monde (et de la nécessité de la participation à un effort collectif (sens réel du mot
socialisation qui est devenu aujourd'hui "se soûler la gueule en boite de nuit et y choper l'herpès")), c'est du privilège. Ce n'est même pas une attaque personnelle, ou une attaque misogyne, c'est la condition objective de la jeunesse et plus particulièrement de la jeunesse issue de milieux aisés. Pour l'effort que ne fournira pas l'émancipé, dix autres gaillards devront suer, pour se nourrir eux-mêmes et financier son confort obscène de parasite - à l'intention de ceux qui croiraient encore que les fruits, les légumes et les steaks poussent au Monoprix...
Le nombre de bourgeoises "féministes" qui m'ont parlé avec toute la sincérité du monde de "l'oppression masculine" (puisque je suis de cette vieille école et que je l'affichais) que j'ai rencontrées, alors qu'elles étaient rentières, qu'elles n'avaient pas d'enfants et qu'elles avaient un homme de ménage indien de 45 ans pour s'occuper de leurs immenses baraques pendant qu'à longueur de journées, elles se tapent au sens figuré la discute avec leurs copines et au sens réels des loubards de 20 ans...
C'est du privilège, purement et simplement, et cet anime, en bon produit d'une culture traditionaliste de droite comme je les aime, rappelle bien que le sale boulot est à faire et qu'il faudra bien que quelqu'un se le coltine, et que le féminisme réservé à la femme "qui a compris" et qui va s'élever en écrasant d'autres femmes (femmes de ménage, nourrices, etc.) n'a plus rien de féministe. À la limite, s'il fallait être subversif dans l'intérêt d'être subversif (idéologie punk), la subversion est peut-être justement là, ne serait-ce que pour des raisons dialectiques.
(Quant aux femmes qui sont restées seules sans fonder une famille, retrouvez-les à 60 ans, seules, vieilles, moches et méchantes, vous verrez à quel point c'est beau la liberté. Que ceux qui continuent de raconter que la maternité est une aliénation arrêtent de se prendre pour une majorité.)@Rukawa : Ohana est assez étrange dans sa manière de "faire le point dans sa vie", elle se rend compte de certaines choses à des moments qui n'ont pas de rapport, Tetho a cité le passage à Tokyo abracadabrant, mais tout au long de la série, Ohana est plutôt incongrue et ne semble pas savoir ce qu'elle pense, ce qu'elle retient de ce qui lui arrive et le sens qu'elle donne à sa vie... ce qui est peut-être finalement assez logique pour une adolescente, m'enfin bon.
Bien trouvée la comparaison avec
true tears, anime conchié à l'époque que j'avais presque honte d'avoir apprécié.