de Zêta Amrith le Lun 22 Fév 2010, 23:30
MSG Unicorn Episode 01 : "Le Jour De La Licorne"
Depuis combien d'années n'avions-nous pas eu un véritable anime Gundam ?
Certes, la prudence s'impose sur un mode impératif. Nombreux sont les opus de la marque à avoir démarré sur les chapeaux de roues pour mieux s'effondrer quelques semaines plus tard. Et pourtant, il fallait bien un sixième de Unicorn pour nous rappeler combien la saga Gundam est devenue misérable durant la décennie 2000. Révélé aujourd'hui, le second trailer du film de 00 fait aussi envie qu'un plat d'orties en comparaison.
Passons immédiatement à ce qui fâche. Les situations sont effectivement vues et revues, d'un classicisme éprouvé dans la saga, et autant le dire, le pitch ne bouleversera pas l'image d'une franchise auto-cannibale incapable de se remettre en question pour explorer de nouvelles voies. C'est du rebattu, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Les personnages également, en particulier le héros Banagher, gardent les traces de la caractérisation archétypale et relativement superficielle des anime de Tomino. Il en résulte sans surprise les facilités et les raccourcis que l'on connait bien.
Qu'à cela ne tienne, le scenario de Unicorn est amené de manière plus intéressante que les traditionnelles renaissances fragmentaires de Zeon par-ci par-là, et autres refrains redondants qui ont essaimé l'Universal Century sans que cela ne choque - en particulier dans le divertissant mais simpliste 0083. Pas de vols de Gundam. Pas de colony-drops. On nous épargne tout ça. Soulagement. La narration, sans se départir de certains désagréments propres à la meta, tels ces individus qui jouent un rôle dans l'action avant d'avoir été présentés ou ces liens qui se nouent en une minute, est également plus logique et plus contrôlée. Le script est sans aucun doute plus recherché que la moyenne des produits estampillés MSG. On y retrouve tout ce qu'un Gundam classique peut proposer : de la guerre bien sûr, mais aussi les thèmes récurrents du futur de l'humanité dans l'espace et de la famille. C'est donc avec plaisir que l'on repart dans cet univers longtemps délaissé par Sunrise, d'autant que l'on y introduit de nouveaux éléments, à commencer par la Fondation Vist, sorte de franc-maçonnerie spatiale qui distille son érudition des ficelles de l'UC avec parcimonie. A ce titre, pour la première fois, nous assistons à l'inauguration du Siècle Universel via un flashback situé en UC 0001. Le rythme de l'épisode est également assez convaincant, ce qui n'était pas évident étant donnée la quantité de dialogues à mettre en scène. Furuhashi, amateur auto-proclamé de l'UC, s'est manifestement bien débrouillé.
Commercialement, s'il apparait comme à peu près compréhensible pour un néophyte, Unicorn est avant tout un plaisir d'initiés dont l'immense substance fan-service recouvre à la fois le centre et la périphérie de l'intrigue. Les dialogues ne font l'impasse sur rien, et c'est tout l'UC qui est passé à la moulinette : sont tour à tour évoqués la Guerre D'Un An, le Conflit De Gryps, Neo-Zeon, Char Aznable, la "Princesse", Anaheim Electronics, Londo Bell, le zeonisme ou les funnels. On tente bien de résumer certaines choses dans les grandes lignes pour ne pas se couper du public international, mais rien qui ne puisse faire office de succédané. Sans spoiler, il faut compter au minimum trois-quatre personnages déjà mis en images précédemment dans l'UC et qui tiennent un rôle dans la mixture du moment. Cette dimension for fans est d'ailleurs présente jusque dans la geekerie de l'un des personnages tertiaires de l'anime, qui clame fièrement au début de l'épisode "Moi je peux te sortir l'histoire de l'UC jusqu'à la contre-attaque de Char par coeur !". Avoir vu les films de MSG, les séries Z et ZZ, de même que CCA est donc plus que recommandé si l'on veut apprécier les nombreuses allusions et plot-points qui parsèment Unicorn, séquelle mais aussi hommage à peine déguisé - cf la séquence du "musée". A mon avis, 50% du kiff en dépendent.
Techniquement, Unicorn est une authentique OVA à l'ancienne, de celles qui avaient littéralement disparu ces dix dernières années au profit de stupides épisodes TV bonus - exception faite de quelques rares spécimens intermédiaires, dont les deux derniers seraient DieBuster et New Getter Robo en 2004. Concrètement cela se traduit par des graphismes ultra-détaillés, une animation d'une grande richesse, qui plus est adossée à un solide storyboard, lequel fait la part belle aux chorégraphies de combat les plus impressionnantes depuis 1996 et The 08th MS Team. Peu de gros plans et autres astuces vieilles de soixante ans pour camoufler l'animation super-limitée, Unicorn bouge comme peu d'anime bougent en 2010. Les personnages basés sur les dessins de Yasuhiko sont tous plus beaux les uns que les autres, et au-delà même des protagonistes principaux, les vieux pileux ou grisonnants tels que le balèse Zinnerman, sorte de Che posé au service des Manchettes, et l'esthète Cardeas dégagent un charisme évident. On est en face d'une super-production qui a coûté cher sur tous les tableaux et l'on imagine la puissance de ce premier épisode projeté sur grand-écran - certains tokyoïtes ont pu en profiter dans ces conditions d'excellence. Les séquences entre MS, aternant plans d'ensemble et zoom sur les doigts des pilotes, sont tout à fait remarquables, bondées d'effets, et l'attaque de la colonie rappelle techniquement les grandes heures de F91. Evidemment, qui dit 2010 dit 3D, et celle-ci, sans être emballante, compte néanmoins parmi les plus décentes et les mieux utilisées jamais vues sur un anime Sunrise. La bande-son enfin, aux accents morriconiens et épiques, est la plus enthousiasmante du Gundam-verse depuis dix ans.
Certes, il manque bien cinq minutes et un peu de bon sens pour réhausser Unicorn 01. On aurait aimé par exemple quelques secondes de frivolité entre Banagher et Audrey plutôt que ces tristes échanges à la Tomino, approfondir un instant le premier soldat déchu des Manchettes ou présenter le pilote de la Fédération. Mais malgré ces réserves, voici cinquante-deux minutes de pur anime qui font honneur à Gundam. Sans aucune hésitation, le seul anime Gundam de la décennie que l'on souhaiterait revoir deux fois consécutivement, parce que le seul qui le mérite.