de Zêta Amrith le Ven 11 Jan 2013, 19:08
Le camrip intégral de Evangelion : 3.0 est disponible sur le net, avec les sous-titres idoines. Si la qualité vidéo est évidemment trop mauvaise pour jauger précisément de la beauté plastique du film et du niveau de l'intégration 3D, tout le reste – scénario, mise en scène, agencement, usage de la grandiose bande-son et aperçu de la qualité d'animation – sont accessibles et aptes au commentaire. Et 3.0 est incontestablement, la première fois au moins, de ces films dont on sort, d'une part sans avoir compris grand-chose au canevas – on est à mille lieux de la promesse logique des teasers – et d'autre part sans savoir si l'on a assisté à l'exercice audacieux d'entre tous ou à une trahison en bonne et dûe forme. La 3D omniprésente dans la première partie du film offre quelques moments de goût critiquable et recule progressivement pour laisser place à un dernier 'combat' cataclysmique dominé par le dessin traditionnel et qui semble avoir concentré la plupart des efforts de l'équipe.
Ce post ne contient aucun spoilers sur l'histoire mais évoque le ton du film.
Dans le Jo-Ha-Kyu – le système de 'mouvements' de l'art traditionnel japonais sur lequel est sensée s'appuyer la tétralogie ROE, le troisième acte dit climax est celui du pathos, des souffrances de l'âme et du drame... ce qui en soi fait office de bonne définition à 3.0. Certains haïront ce volet pour ses dialogues hagards en auto-pilotage, ses redondances, ses lamentations, sa relative lenteur et ses fausses révélations neurasthéniques, d'autres y verront l'illustration formelle de la tragédie classique dans tout ce qu'elle a d'à la fois désagréable et fascinante. Mamoru Oshii était admiratif de la qualité du design général de la série originale : pour lui, NGE était avant tout une série de designers faite par des designers en puissance. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette tendance n'a pas disparu avec ROE, et que 3.0 poursuit sur cette lancée en mêlant plus que jamais froideur coupante des courroies mécanisées et reliques charnelles horrifiantes – certains décors de génie sont à glacer le sang, puisés dans les pires cauchemars du public.
3.0 est une nouvelle giflette appliquée par Hideaki Anno aux fanatiques, peu importe qu'ils soient à classer dans les nomenclatures A ou B. S'agissant des premiers, non seulement le film ne répond-t-il grosso modo à aucune des questions soulevées lors des volets précédents, mais il se permet d'en rajouter dix autres sur le dessus de la pile. Modeste en fan-service, au sens grivois du terme, il envoie également balader les inconditionnels de 2chan en s'attachant à ne dépeindre la vie que d'un seul protagoniste, Shinji Ikari, reléguant les autres au rang de satellites. Chiche en développement des personnages, mais tout aussi avare en narration, 3.0 n'est finalement, en-dehors de ses séquences purement otakus – on note des emprunts manifestes à Space Battleship Yamato et VOTOMS, que mise en image et jeu de scène : le spectateur est face à un film dont une bonne moitié se présente, pourrait-on neo-conceptualiser, comme atmosphere-driven. Dans sa tentative de destruction de NGE, Anno a créé un métrage paradoxal, en ce sens qu'il est simultanément la mouture la plus radicalement éloignée du 'Old Century' dans sa forme et son squelette scénaristique, et celle qui s'en rapproche le plus de par son traitement intentionnellement 'inattrayant'. Il va sans préciser que rarement l'adjonction de scènes supplémentaires et de correctifs – dans le futur 3.33 – n'aura été si attendue.
Si l'on en croit le Jo-Ha-Kyu, le quatrième et dernier film sera celui de l'espoir et de la 'danse'... mais il est à signaler que la plupart des pièces classiques possèdent aussi un épilogue / cinquième acte, chargé de rouvrir l'histoire vers l'inconnu. Avec 3.0, le studio Khara a complètement chamboulé les objectifs et l'éventuelle signification que recouvrira ROE, et l'on a strictement aucun moyen de savoir à quel port tout ceci va s'amarrer.
Once again, l'anime majeur de 2012.
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Zêta Amrith le Ven 11 Jan 2013, 19:15, édité 1 fois.