ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

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Zêta Amrith
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ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Zêta Amrith le Mar 27 Sep 2022, 19:03

CYBERPUNK : EDGERUNNERS

Image

Réalisation : Hiroyuki Imaishi
Scénario : Mike Pondsmith, Masahiko Otsuka et Yoshiki Usa
Animation : Trigger
D'après le jeu-vidéo de CD Projekt RED

Couvert de dettes suite à un accident, David Martinez rejoint un gang de cyberpunks "augmentés" qui survit en vendant ses services aux corporations. Il se fait vite un nom grâce à sa capacité singulière à supporter, à la fois physiquement et mentalement, un implant militaire réservé aux mercenaires endurcis.


Le monde est cruel. Conclusion, il suffisait d’ôter à Trigger sa prérogative, de lui confisquer sa fierté de créer lui-même l’histoire et le setting de ses anime, voire de lui rouler dessus comme une mégacorpo le ferait avec un vulgaire sous-traitant vietnamien, pour que le studio parvienne (enfin) à livrer quelque chose qui soit constant de l’image inaugurale jusqu’au générique de fin.

Intrinsèquement la série n’a pas grand-chose d’exceptionnelle, elle agglomère tous les effets, archétypes et attitudes que la japanimation des années 80 et 90, de Bubblegum Crisis à GITS en passant par Cyber City OEDO 808, d’Akira à Genocyber en transitant par Gunnm ou Armitage III, alignait sans discontinuer dans une symbiose presque innée avec la sous-culture anglo-saxonne. Cyberpunk : Edgerunners est un syncrétisme calculé, un produit lâché en mode Stranger Things qui sait très bien quel héritage mythifié il brandit, et quel hypertexte il communique au public. En somme, il remplit la promesse faite en 2016 par la forfaiture Under The Dog. Pour qui n’attend pas plus qu’un anime sanglant, plein de nibards et niché dans des recoins interlopes - un machin qui aurait cartonné du temps des étals VHS et du LD, pour l’anime-dork qui ploie sous la déréliction depuis Redline, c’est largement suffisant. C’est même carrément efficace, tout en étant (ou parce qu'étant) balisé au possible, pris dans l'ornière et les tropes éculés du registre, par le truchement de personnages aspirés dans le destrado de l'auto-annihilation.

L’unique problème est que le graphisme très stylisé de Trigger, son goût pour les luminescences, son animation légataire des déformations visuelles de Kanada, ne s’accordent pas toujours à l’aridité et au glauque que demande d’ordinaire l’esthétique cyberpunk. Le genre n’a jamais été si percutant que durant l’ère de l’OVA toute puissante, représenté dans un dessin froid et semi-réaliste plus proche de Manie-Manie ou Zeorymer que de Kill la Kill. Certes, le studio a produit un effort conséquent pour durcir son trait et invoquer cette période faste de l’animation canal fumette et bibine, mais le design général jure parfois avec le récit, tandis que l’ultra-violence ressemble la plupart du temps à du gros cartoon qui tâche pour rigoler plutôt qu’à un authentique carrousel horrifique. A l’instar du dernier Devilman de Yuasa (l'indolence en moins), on note épisodiquement quelque minime décalage entre le fond impitoyable et la forme adoptée.

Est-ce que c’est novateur, à la hauteur du patron d’origine ou immersif au point de s’en lever la nuit ? Non. Mais tel un sésame qu’on ne saurait soustraire à la mémoire collective, il y a écrit "cyberpunk" sur l’emballage, et pour une fois personne n’aura menti sur la marchandise. Depuis les virées shirow-gibsoniennes à l’intérieur du net jusqu’au combat final tout en démesure urbaine - lequel emprunte ostensiblement à la pyrotechnique d'un MADOX-01, Imaishi ripoline à sa façon les classiques, sous la houlette de producteurs ec-arkhipelagos qui semblent concevoir que le Cool Japan fut cool aussi longtemps qu’il offrit un prolongement à une pâte venue d'ailleurs, un "Japon made in USA", pour reprendre la formule d’Azuma.

Le monde est cruel, Trigger signe son anime le plus carré, premios et abouti, les deux mains ligotées dans le dos. Libérez-les et ils décevront à nouveau avec des projets half-baked du type LWA, Gridman et BNA. Dommage que le maquereau s'appelle Netflix : c'est le prix à payer pour avoir confié la boutique à un fandom d'haruhistes versatiles pendant 15 ans.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede guwange le Mar 27 Sep 2022, 20:56

Sur la même longueur que toi sur la plupart des faits rapportés comme ce décalage entre le design cartoon et des scènes gores etc...
Oui, l'anime coche les cases de la cool Japan et c'est pourquoi j'ai moyennement goûté quelques traits de caractères moins supportables comme
[Montrer] Spoiler
l'obstination du héros qui continue à se shooter
et donc se condamner, un comportement qui fait que j'étais peu sensible à son issue fatal en me disant qu'ill'a bien cherchéet bien mérité quelque part. Pareil pour l'héroïne qui fait ses cachotteries de son côté.

Bref, quand je vois ce package eighties-nineties, et bien je ne veux absolument pas voir ce genre de comportement...
Sûr qu'on est face à un bon anime où les vieux de la vieille peuvent se sentir concernés.

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Zêta Amrith
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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Zêta Amrith le Mar 27 Sep 2022, 23:42

Ben, c'est plutôt fidèle au concept. L'auto-destruction, par les drogues ou les médicaments, faisait partie des meubles dans la littérature cyberpunk, de l'addiction du protagoniste de Neuromancien au snow crash qui recouvre Le Samouraï Virtuel. Les proto-inspirateurs du genre, comme William Burroughs ou K. Dick, ont largement écrit, en connaissance de cause, sur ce thème - Substance Mort annonce les expériences sur le LSD commanditées par la CIA. Même Tetsuo dans la version manga d'Akira finit par exiger des pilules pour doper ses capacités psychiques, quitte à accélérer sa dégradation. C'est donc on ne peut plus raccord avec la matrice de l'anime (et j'imagine, surtout, du jeu), lequel use, abuse de lieux communs et d'un lexique cyberpunk from the book complètement grillé - comme ICE pour désigner les zones sécurisées. Le produit repose sur la citation, or je ne crois pas qu'il y ait masse de titres du genre qui recherchent l'approbation du spectateur. De la même façon qu'on accepte que les personnages de Gibson aient pour objectif de devenir le meilleur hacker du système au détriment du reste, parce que c'est cet univers de dépendances là dont il est question.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede NiKi le Mar 27 Sep 2022, 23:48

Je posterais peut-être un avis plus détaillé plus tard (vu que les 5 premiers épisodes pour le moment, je dirais déjà que c'est assez raffraichissant de voir découvrir le héros avant qu'il devienne mercenaire, alors que je m'attendais au truc typique ou t'as un sweeper qui a de la bouteille et galere a joindre les deux bouts financièrement), mais j'avoue que je trouve incroyable que quelqu'un se souvienne encore de Under The Dog :lol:

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede guwange le Mer 28 Sep 2022, 21:02

Je peux aussi très bien accepter ce genre de comportement jusqu'au boutiste quand c'est bien traité et dans ce cas, ça glisse tout seul. Certains réalisateurs comme Dezaki peuvent me faire accepter ce genre de traitement, haut la main.
Mais bon, peut-être qu'à la revoyure, je kifferais mieux cyberpunk lors d' un second visionnage...
.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Zêta Amrith le Jeu 29 Sep 2022, 00:42

Le MC est sujet à l'addiction. Plus il en a, plus il en veut. C'est comme ça, il n'y a pas à développer cet aspect au-delà de la mécanique psychotrope chère au genre. Ce n'est pas un roman d'apprentissage allemand du dix-neuvième.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Gemini le Mer 05 Oct 2022, 15:29

Je crois qu'il s'agit de la première fois que j'arrive au bout d'une série d'animation du studio Trigger. Ça se fête ! Habituellement, j'aurais passé mon chemin, mais avec le Zeta à-peu-près-seal-of-approval, je voulais tester ça.

Effectivement, pas de tromperie sur la marchandise : nous sommes dans du cyberpunk, avec à la fois le transhumanisme de plus en plus poussé, la main-mise des méga-corporations, et des pauvres qui n'ont d'autre choix que de crever. Sur ces deux derniers points, j'ai bien l'impression que notre monde se dirige tout droit vers celui décrit par la série. Le propos est assez limpide, présenté de manière frontale à travers le regard du héros, mais au moins, les scénaristes n'essayent pas de l'édulcorer. Ainsi, lorsqu'un personnage suggère que sa mère a dû forcément faire des trucs louches pour l'envoyer dans une bonne école, il a totalement raison ; tout simplement car ce n'est pas un univers où un travail honnête et acharné mène à la réussite, contrairement à ce que d'autres œuvres de fiction auraient pu nous faire croire. De même, l'addiction progressive du personnage principal est bien amenée et crédible, en tout cas plus que le déni de ses camarades, qui ne semblent rien voir alors qu'ils l'ont déjà vécu par le passé.

J'ai beaucoup aimé la construction de cet univers, la bande de malfrats à laquelle se joint David et les interactions entre eux, et évidemment, les réminiscences de GITS ou encore Bubblegum Crisis, tout en traitant ses sujets par un prisme légèrement différent (la dépendance aux implants et aux corporations).
Mais bon, à l'excellence nul n'est tenu, et certainement pas Trigger. Le style du studio et de son réalisateur star se ressent, et pas qu'un peu. La loli tueuse ne sera jamais expliqué autrement que par "lol une loli tueuse", contrairement au traitement du personnage de Sophia dans Eden: It's an Endless World ; ici, cela semble sortir de nulle part parce que c'est cool. La réalisation ne convient pas toujours à l'ambiance, notamment certains délires visuels, qui trouveront leur apogée dans une course poursuite délirante sur les deux derniers épisodes. Dans l'ensemble, une fois les bases posées, une fois David lancé sur son propre chemin, la série perd en attrait, puisqu'il ne lui reste plus qu'à se reposer sur son style ; de fait, la seconde moitié est moins réussie, avec trop de badaboum, trop de carnages, trop de loli tueuse qui fait la loli tueuse, et trop d'Imaishi, à l'image de cette dernière course poursuite.

Mais pour sa première moitié, cela valait le coup.

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Deluxe
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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Deluxe le Ven 11 Nov 2022, 15:15

Cyberpunk Edgerunners

Nombreux furent ceux qui haussèrent un sourcil circonspect lorsque N****** annonça la diffusion de Cyberpunk Edgerunners, adaptation anime du jeu vidéo Cyberpunk 2077 de l’éditeur polonais CDProjekt, par le studio Trigger de surcroît ; qu’est-ce qu’un studio tel que Trigger, spécialisé dans le style cartoonesque et l’hommage aux animes japonais des années 70, irait adapter un jeu vidéo AAA occidental mâtiné de prétentions hollywoodiennes et avec Keanu Reeves en tête d’affiche ?

C’est en réalité mal connaître Trigger, qui depuis plusieurs années cherche par tous les moyens à échapper à l’influence hégémonique des ayant-droits japonais bien connus en allant chercher des collaborations toutes plus exotiques les unes que les autres. N****** déjà avec Brand New Animal en 2020, ou le producteur de tokusatsu Tsuburaya avec Gridman et Dynazenon, ou encore plus étonnant, aller chercher directement l’argent de leurs fans (occidentaux) en mettant en place un Patreon pour que le public aille directement financer le studio, court-circuitant les canaux classiques du merchandising. Trigger est dans une recherche désespérée d’indépendance créative qui leur permettrait d’exister sans avoir à dépendre des éditeurs de manga shônen ou de light-novel qui tiennent cette industrie par les couilles.

Concernant CDProjekt, le choix d’aller vers l’animation japonaise n’était qu’une suite logique de leur démarche artistique. Le jeu vidéo Cyberpunk 2077 s’inspirait moins de la science-fiction à papa que des mangas et animes qui ont défini le genre tels que Akira, Ghost in the Shell, Gunmm et ainsi de suite. Leur autre licence phare, The Witcher, avait eu droit l’an dernier à un film d’animation produit en Corée et dont nous avions parlé ici-même ; et de la Corée au Japon il n’y qu’un petit bout d’océan à parcourir.

Edgerunners se déroule donc dans l’univers conçu à l’origine par Mike Pondsmith dans le jeu de plateau Cyberpunk dont la première version est sortie en 1988 ; mais soyons sérieux, c’est bien le jeu vidéo sorti en 2020 qui a constitué la base de travail pour cette série. D’ailleurs, c’est la première chose qui interpelle avec cette série, la fidélité au matériel d’origine est scrupuleusement respectée. Les décors de Night City sont repris tels quels, tout comme les designs, les costumes, la musique, jusque dans les détails tels que les bruitages et autres effets spéciaux. Rarement on aura vu une adaptation de jeu vidéo autant en symbiose avec son matériau de base, le jeu donne sa substance à l’anime et l’anime donne un point de vue sur l’expérience de jeu. Par exemple le mini-jeu de piratage qui est un peu pourri dans le jeu (vous savez le truc avec les colonnes et les lignes de chiffres et de lettres), est rendu de manière beaucoup plus convaincante dans la série, mais il faut avoir l’œil pour le repérer.

Puisque l’on parle de visuels, commençons par là. Trigger a placé ses meilleurs éléments sur cette série avec Hiroyuki Imaishi, la force créatrice du studio (Gurren Lagann, Panty & Stocking, Promare), au poste de réalisateur en chef, tandis que le vétéran Masahiko Ôtsuka est en charge du storyboard. Le chara-design est signé par le célèbre Yoh Yoshinari (Little Witch Academia, Brand New Animal) et à l’animation proprement dite on retrouve d’autres noms connus des services tels que Sushio (directeur de l’animation de Kill la Kill) ou encore Kai Igarashi (responsable des meilleurs épisodes de Gridman et de Dynazenon, et qui comme par hasard est crédité au storyboard du meilleur épisode de Edgerunners). En bref on a affaire au All-Star cast de ce secteur de l’animation japonaise, tout ce talent qui vient des tréfonds de la Gainax jusqu’à Trigger en passant par Bones et par Khara, tous ces gens qui nous en ont mis plein les yeux pendant vingt-cinq ans, sont ici réunis.

Pour quel résultat ? Une des séries les plus stylisées que l’on ait vu ces derniers temps, dans un genre typique de Trigger où le style et la puissance du design l’emportent sur la précision et le réalisme, où les couleurs fluos pètent et le mouvement se fait frénétique. Le nombre de plans et très élevé, et la cinématographie est superbe avec des plans finement construits laissant voir la beauté de ces décors de dystopie futuriste ou ces personnages aussi magnifiques que bigarrés. Regardez ce plan par exemple, regardez la manière avec laquelle la lumière néon bleue arrive d’un côté pour contraster avec le blanc de l’autre ; même lorsque rien de bouge à l’écran il y a quand même quelque chose à regarder, un élément pour attirer le regard du spectateur tout en mettant l’objet en perspective. C’est ce genre de style qui nous rappelle à quel point la très grande majorité des animes actuels sont plats et sans saveur visuelle, moulés dans le même creuset du superflat et de l’économie de moyens poussée au rang d’intention. Edgerunners, grâce à des conditions de production que l’on imagine plus favorables que celles des studios qui essorent leurs artistes pour adapter le dernier light-novel débile à la mode, se permet une quantité et une qualité d’anime qui le placent bien au-dessus du tout-venant saisonnier.

Tout au plus pourra-t-on noter une certaine dissonance entre le fond et la forme ; les séquences de poursuite en voiture, relativement nombreuses surtout vers la fin, sont presque toutes produites en images de synthèse ce qui en soit n’est pas le problème, c’est plutôt cette manière de faire valdinguer les bagnoles comme des quilles percutées par des boules de bowling qui rendent un résultat un peu ridicule et trahissent les orientations résolument cartoon de Imaishi, qui depuis Dead Leaves a montré que son interprétation du cyberpunk tenait plus du côté de Tex Avery que de Katsuhiro Otomo. Mais c’est aussi cela que CDProjekt est venu chercher, comme dit plus haut ils ne se sont pas retrouvés avec Trigger par pur hasard. Autre petit défaut, le script est clairement à l'étroit dans ses dix épisodes, certes le rythme est relevé et les épisodes denses mais on aurait pu se permettre un ou deux épisodes supplémentaires pour laisser la pâte reposer et pourquoi pas approfondir les personnages secondaires, après tout dans le jeu vidéo les quêtes annexes étaient une des meilleures parties et dans un monde tel que celui-ci il y a de quoi faire.

Le récit se déroule donc à Night City, quelque part avant les évènements décrits dans le jeu vidéo Cyberpunk 2077. Le protagoniste est David Martinez, un jeune garçon qui étudie dans une école tenue par Arasaka, la corporation la plus puissante du monde qui constitue en quelque sorte sa propre nation avec ses propres règles. Élevé par une mère célibataire, David vient d’un milieu défavorisé et ne se sent pas à sa place dans cette école de bourgeois arrogants. Lorsqu’un drame survient dans la vie de David, son existence prend un tournant radical. En effet, il met la main sur un implant cybernétique de niveau militaire, le Sandevistan, qui lui confère des capacités surhumaines. Grâce à cela, David va intégrer la pègre de Night City, se faire la main en tant que mercenaire et vivre comme une personne libre dans ce monde où la technologie aliène l’homme plus qu’elle ne l’augmente. Filant rapide comme l’éclair sur la crête du danger et de la mort, il est un Edgerunner…

J’aimerais en dire beaucoup sur le scénario mais je ne veux pas spoiler ici car la série est bien plus forte lorsque l’on découvre ses effets en la regardant. Dès le premier épisode le ton est donné et on comprend que l’on a affaire à un monde impitoyable où la vie humaine a moins de valeur que le métal qu’on lui a implanté ; et seuls les plus radicaux, ou les plus fourbes, ont une chance de s’en sortir vivants. La série est regardable sans avoir joué au jeu vidéo (les personnages et le récit sont complètement différents) mais connaître l’univers de Night City, les lieux, les termes, le jargon, sont un plus indéniable pour profiter à fond de l’expérience, manifestement conçue pour les fans. C’est marqué Cyberpunk dans le titre et c’est cyberpunk pour de vrai, il n’y a pas maldonne ou tromperie sur la marchandise, sexe et violence sont de la partie, on retrouve cette culture de l’anime underground qui nous avait fait aimer l’animation à l’époque où on se refilait des VHS sous le manteau.

Un des points qu’il fait soulever absolument c’est au niveau du script, certes mis en images par Trigger au Japon, mais qui a été écrit par Bartosz Sztybor, un auteur polonais qui collabore fréquemment avec CDProjekt notamment en tant que scénariste des bandes-dessinées officielles de The Witcher et de Cyberpunk. Il faut le noter car, à bien des égards, il est évident en regardant cet anime que son scénario n’aurait jamais pu être écrit par un Japonais - ou pour être plus précis, il n’aurait pas pu être produit en suivant les canaux habituels de la production d’anime au Japon. Là où c’est le plus frappant c’est la manière avec laquelle est décrite l’addiction de David. Plus la série avance, plus David devient dépendant aux implants cybernétiques (en fait il devient surtout accro à la puissance que ses implants lui accordent). Ceux qui s’implantent trop de « chrome » sont obligés de prendre des inhibiteurs pour réduire leur charge mentale, auquel cas ils risquent de perdre la raison et devenir des « cyberpsychos », des fous furieux surarmés qui sèment la destruction avant leur propre et inévitable chute. Dans l’anime cela prend la forme d’une addiction aux médicaments pour David, qui finit par devenir égoïste voire violent lorsqu’il lui manque sa dose. Ce point en particulier est très intéressant parce que c’est quelque chose qui n’est jamais abordé dans l’animation japonaise, le sujet de la drogue et de l’addiction est extrêmement tabou là-bas. Cherchez un anime récent où le personnage principal est accro aux médocs ou aux produits, vous n’en trouverez pas. Les animes de sport pullulent, mais la question du dopage n’existe pas. Les personnages d’animes passent leur temps à étudier ou travailler mais ils ne prennent jamais rien pour tenir le coup, ils marchent uniquement à la soupe miso et à la détermination. Personne n’y croit, ce n’est pas la réalité mais l’animation japonaise pose un voile pudique sur ces sujets. C’est pour cela qu’il est d’autant plus notable que Edgerunners, produit au Japon mais avec un script occidental, mette les pieds dans le plat. Dans les shônen lorsque le héros obtient de la puissance c’est vu comme une bonne chose, et même lorsqu’il perd le contrôle il finit par être sauvé grâce au pouvoir de l’amitié. Dans Cyberpunk Edgerunners c'est différent, la prise de puissance est vue comme une perte d'humanité, et ça se termine pas aussi bien que dans Hunter x Hunter.

L’autre point intéressant c’est la relation de David avec Lucy, une fille qu’il va rencontrer assez rapidement et qui va avoir une grande importance dans l’histoire. Souvent dans l’animation japonaise l’aspect romantique constitue un enjeu secondaire dans le récit, et les auteurs incorporent une, ou deux, ou plusieurs filles pour titiller les spectateurs et les inviter à faire des concours de waifus qui vont permettre à la série d’exister au-delà de son propos (et si possible faire de l’argent). Edgerunners, qui encore une fois n'est pas écrit par un japonais et n’utilise pas la grammaire narrative des animes industriels, part dans une direction différente. La romance entre David et Lucy cesse d’être une question assez rapidement, ce qui va importer c’est la manière avec laquelle cette relation va évoluer, et ce que l’on comprend c’est qu’une vraie histoire d’amour, saine et heureuse, n’est pas vraiment possible dans un monde tel que celui de Night City. La manière avec laquelle la série traite ces personnages est relativement adulte et dépourvue de la naïveté caractéristique des récits pour adolescents qui constituent la base de ce média. C’est d’ailleurs le script dans sa globalité qui fait preuve de qualité, une de mes séquences préférées c’est dans le premier épisode avec l’évènement déclencheur du scénario, en quelques minutes et sans beaucoup de dialogue on saisit tout le cynisme et l’inhumanité de cet univers. Et comment ne pas mentionner l’épisode 6, le meilleur de la série, avec sa réalisation sublimement sombre qui rappelle les OAV des années 90.

Le succès de Cyberpunk Edgerunners n’est pas étonnant. Du côté des joueurs de CDProjekt et des spectateurs de N******, pour qui l’animation japonaise s’est arrêtée à Ghibli et Dragon Ball Z, ils ont découvert que pendant vingt-cinq ans, dans leur indifférence la plus totale, des artistes perdus quelque part au Japon ont développé et peaufiné un style et une proposition artistique que l’on ne trouve nulle part ailleurs et certainement pas dans les bouillies de 3D que N****** cherche à refourguer à ses abonnés. Du côté du public de l’animation japonaise, gavé d’adaptations de light-novel et de shônen manga telles des oies préparées pour le dîner du réveillon, ils ont découvert que l’animation pouvait proposer autre chose que des recettes et des images connues, sortir du cadre imposé par les surpuissants éditeurs et producteurs japonais qui font la pluie et beau temps dans le milieu et aller chercher des thèmes et des sujets que la japanime a largement mis de côté, trop occupée à surexploiter les mêmes filons tout comme elle surexploite ses artistes. En cassant ainsi les codes et les catégories commerciales, tout en conservant son intégrité artistique héritée d’un genre autrefois à la pointe de la contre-culture, Cyberpunk Edgerunners est un des animes les plus significatifs de 2022.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede MimS le Mar 15 Nov 2022, 21:56

Juste, en vous lisant j'ai envie de poser une question qui concerne Cyberpunk : Edgerunners mais aussi Arcane :
En quoi cela pose problème que ce soit diffusé sur Netflix sachant que, justement, la dite société ne possède rien d'autre que des droits de diffusion exclusif ?
La question sous-jacente étant : Netflix a-t'il réellement son mot à dire sur le contenu de telles productions ? On parle de deux sociétés (CD Projekt et Riot) qui à mon sens tiennent suffisamment à leur produit pour le proposer tel quel. Et dans ce cas, que ce soit sur Netflix ou ailleurs, osef un peu non ?

Pas de méprise, j'ai énormément de problèmes avec les productions Netflix... mais Netflix le diffuseur, c'est pas pire c'est pas mieux qu'une autre plateforme de streaming dédiée ou non à l'animation japonaise (et, franchement, Crunchyroll c'est pas mieux DU TOUT).
S'il s'agit de parler de cette dernière d'ailleurs, pour beaucoup d'entre nous ici qui avons vécu notre passion de façon assez nichée, va-t'on vraiment pleurer qu'on la traite enfin comme un medium comme un autre ?

Et, au passage, je serai curieux de savoir le lien de cause à effet entre les haruhistes et se retrouver à avoir Netflix diffuseur, ça m'échappe vraiment !

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Zêta Amrith le Mer 16 Nov 2022, 01:23

MimS a écrit:Je serai curieux de savoir le lien de cause à effet entre les haruhistes et se retrouver à avoir Netflix diffuseur, ça m'échappe vraiment !

Formulons que si les otagnous n’avaient pas perdu de vue la dimension culturelle de leur sujet, qu’ils avaient soutenu l’imaginaire ambitieux des grands maîtres relégués plutôt que de bivouaquer du côté de ce que l’industrie produit de plus inconséquent et éphémère, les dernières branches vertes n’auraient peut-être pas besoin de négocier auprès du Flux pour exister.

"Cy-Edge" est célébré par beaucoup de monde, y compris ceux qui ont applaudi cet écosystème sémiotique au sein duquel il ressemble plus ou moins à une exception.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede Deluxe le Mer 16 Nov 2022, 20:38

Ce que Netflix apporte de concret c'est qu'il permet de contourner la censure inhérente aux canaux de production japonais, ce qui explique que des séries comme Devilman Crybaby ou Cyberpunk Edgerunners puissent exister dans leur forme actuelle. En cela il comble une (petite) partie du vide laissé par la quasi-disparition du format OAV historique.
Netflix en lui-même n'influence pas le contenu, et c'est justement cela son intérêt, ou tout du moins celui qu'il devrait avoir.

Après il faut aussi prendre en compte que l'on parle de gens tels que Maasaki Yuasa ou Hiroyuki Imaishi, des bonshommes qui ont plus de trente ans de carrière dans le milieu, connaissent parfaitement leur métier et n'ont pas besoin de faire d'efforts pour être pris au sérieux. C'est tout de suite plus facile pour eux. Au-delà des têtes d'affiches, est-ce que Netflix a permis de faire émerger des nouveaux talents dans l'animation jap ? A part Polygon Pictures je veux dire (rires).

Concernant Arcane je suis moins familier mais je pense que c'est pareil ; Riot Games aurait pu diffuser la série sur leur chaîne Youtube cela aurait été tout aussi bien. Le pognon de Netflix c'est juste la cerise sur le gâteau.

Sur la question de la reconnaissance de la japanime dans le mainstream, c'est une intéressante question sur laquelle je n'ai pas le recul nécessaire pour formuler une réponse qui ne soit pas celle d'un vieux con ou celle d'un type complètement naïf. Globalement c'est une bonne chose que des séries aussi bien faites que Chainsaw Man ou Cyberpunk Edgerunners soient vues par plein de gens, parce que c'est ça qu'on aime et qu'on veut défendre. Le souci c'est que du côté de l'industrie elle-même, il n'y a rien pour établir quelque chose d'un peu organisé pour défendre cet art. L'industrie Hollywoodienne s'est institutionnalisée il y a presque cent ans avec l'Académie des Arts et Sciences du Cinéma (ceux qui remettent les Oscars), c'est reconnu internationalement et ça participe au prestige et à la puissance du cinéma américain. Le manga et la japanime est un instrument de soft power d'une puissance considérable, mais l'industrie japonaise opère encore dans un espèce de semi-amateurisme où les mangakas et les animateurs n'ont aucun réel statut. En France on a des lois très protectrices de la culture, on pourrait même dire que la quasi-totalité de la création audiovisuelle française relève de la subvention gouvernementale. Comment se fait-il que le Japon, qui dispose de ce savoir-faire et de cette force de frappe culturelle, ne cherche pas à mieux la protéger. Si l'industrie elle-même considère les mangasseries et les dessins animés comme des produits de consommation jetable, ce ne sera pas étonnant que le public fasse de même.

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Re: ANIME - Cyberpunk : Edgerunners

Messagede guwange le Sam 19 Nov 2022, 12:50

Niveau anime jap, quand il s'agit des adaptations de mangas, la politique de netflix à base de rafistolage sociétale pour coller au wokisme ou autre courant "moderniste", n'a aucun effet car on colle à la vision du mangaka. Mais bon, c'est toute l'industrie japonaise y compris les haruhistes et moe qui sont à l'opposé du wokisme. Mais on touche une autre problématique avec le moe. ( tendance de donner des allures de pré adolescentes à des personnages + âgés)
Bref, ce que je veux dire, c'est que sur Netflix, on a de tout au niveau anime. On peut trouver du roots avec spriggan, baki and co, des animes originaux comme great pretender etc...
Prochainement, on aura la dernière partie de jojo et début décembre et un junji ito début janvier.
Niveau anime occidental ( animé ou pas par des coréens), j'ai aussi de quoi faire selon mes goûts comme avec castlevania ou blood of zeus par exemple.
Vous comprendrez selon mes critères roots, je fuis certaines productions comme She-ra etc...



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