Je serais plus clément qu'Amrith et j'accorderais au moins à Eureka seveN le statu de chef d'œuvre. Cette série est à la fois un authentique robot anime, une véritable œuvre familiale, un grand bildungsroman et une grande histoire d'amour. C'est l'histoire d'un garçon qui quitte son foyer en montant dans un robot et va se confronter au Monde pour protéger la fille qu'il aime, comment faire fondamentalement plus anime que ça ? Et il le fait avec une élégance rare, un sens du design raffiné, une ampleur dans son récit vraiment conséquente et un vrai nez pour le zeitgeist de l'époque qui l'a vu émerger. Et je ne parle pas de la qualité moyenne de ses storyboards ou de son animation, hors normes à son époque pour une série aussi longue. J'ai du mal à imaginer anime TV plus noble qu'Eureka seveN.Le piège du Tomino-bashing c'est d'oublier que Tomino est, sur le plan purement conceptuel, un grand créateur. C'est un type qui arrivait à accoucher de pitchs de séries souvent très réussit à un rythme annuel tout en travaillant sur sa série en cours de diffusion avant d'en enchaîner la production à la chaîne ou presque. De par son parcours, il était entré chez Mushi à la réal, il est resté à ce poste toute sa carrière, mais dans une réalité parallèle il est certainement un grand producteur exécutif qui confie ses idées à des mecs plus compétents qui arrivent à les exploiter correctement au lieu de les lancer en l'air et voir ce qui va retomber à l'endroit sur la table. En ça il est un peu le J.J. Abrams de l'animation japonaise, et encore Abrams sait tenir une caméra et produire de la belle image.
Je crois que comme Freud, la réalité de l’œuvre de Tomino est moins importante que ce qu'on en a fait. J'ai réalisé ça très tardivement, devant l'épisode
Ideon de
Shirobako.
Ideon c'est vraiment la série emblématique de ce qu'est Yoshiyuki Tomino, tu écoutes ses fans, ils te présentent ça comme une lutte sans merci et désespérées entre deux races pour leurs survies à minuit moins cinq avant l’apocalypse galactique. Tu regardes la série, c'est surtout composé de
loners où les responsables du Buff Clan viennent se faire humilier chaque semaine face au Solo Ship et son manque permanent de ressources tel le Baron Ashura ou le conte Brocken. Et je ne parle pas de sa non-fin, ce serait tirer au lance missile sur une ambulance déjà renversée et en feu.
Tomino c'est le mec dont tu devines à travers son œuvre qu'il a profondément et comme toute sa génération, un vrai dégoût pour le fascisme, mais en même temps pointe en filigrane une vraie fascination car quand il met en scène des fascistes il créé les fasciste les plus cools de l'histoire de la télévision, ceux derrière qui les fachotaku n'ont aucun problème à se cacher pour réaliser des saluts nazis en convention. Miyazaki a la même contradiction profondément en lui, c'est un mec de 80 ans qui préfère dessiner les avions et les chars de l'Axe parce que c'est ceux qui sont les plus cools de la seconde guerre mondiale, mais au moins
dans ses films sa position est clair.
Mais au final, malgré la médiocrité de Tomino en tant que réal, son incapacité, malgré son statu de mec qui a storyboardé le plus d'épisodes de l'histoire de l'animation japonaise, de dessiner un
storyboard à peu prêt réussit, malgré ses contradictions évidentes et ses scénarios qui finissent en queue de poisson, j'ai de la sympathie pour lui. Son œuvre a joué un rôle non négligeable dans la construction de mon univers culturel et trouve encore un écho en moi. J'ai 36 ans et je continue de trouver les paroles ambiguës de ses génériques profondément cools. Et comment ne pas avoir de la sympathie pour lui quand, à passé 70 ans et pleinement conscient de ses manquements, il réalise une nouvelle série envers et contre tous. Il est le vétéran parmi les vétérans, et il continue de se battre contre son époque car il refuse de se laisser faire et ne tombera que l'épée à la main. Je regrette un peu qu'il se soit laissé placardé avec les films de
G-Reco et espère qu'il vivra assez longtemps pour réaliser une nouvelle création originale après ça. Aussi médiocre soit-elle, sa simple existence suffira à me rendre un peu heureux.
Pour paraphraser Deluxe, je dirais plutôt que Tomino a construit des pans entiers de la gloire de l’animation japonaise en dépit de lui-même.
Deluxe a écrit:Il paraît qu'en 1998 quand Sunrise a produit trois séries de SF originales, Cowboy Bebop, Gasaraki et Brain Powerd, c'est la série de Tomino qui a mobilisé le plus de moyens et d'attention du studio. Ce qui est assez amusant quand on constate qu'aujourd'hui Bebop et Gasaraki sont des séries parfaitement valables et pertinentes là où Brain Powerd c'est juste inregardable quoi.
C'est un mythe occidental ça, qui venait alimenter le moulin de la légende urbaine "Cowboy Bebop
n'a pas eu de succès au Japon, c'est en occident que la série a été appréciée à sa juste valeur.". Je ne peux pas parler pour
Gasaraki, mais
Bebop a clairement profité de moyens similaires, si ce n'est supérieurs à
Brain Powerd.
Ce qui est vrai c'est qu'au Japon la Kadokawa et
Newtype, l'organe du parti, ont sur-hypé la série de Tomino des mois à l'avance dans l'espoir d'en faire le nouvel
Evangelion, bien aidé par les déclaration grandiloquente de Tomino qui prétendait réaliser ce qu'
Evangelion aurait dû être (spoiler alert : non).