The furies are at home in the mirror, aka
Disco ElysiumFinalement le qualificatif de "nouveau Planescape Torment" colle assez bien au jeu - pour la quantité de texte à se fader, mais également à cause du fait qu'on se fait railroad par le jeu sur quasiment tout le dernier tiers; en bref, Disco Elysium tient un peu de l'illusion à la Telltale : une belle illusion, mais une illusion quand même.
Soyons clairs : une grosse partie de l'aventure consiste à décrire des cercles dans une petite zone limitée (laquelle se verra adjoindre un bout de campagne vide plus tard) afin de remplir le max de quêtes secondaires possibles en attendant de pouvoir débloquer l'accès à la phase finale du jeu. En attendant, libre au joueur d'enquêter sur le crime, engueuler les sales gosses du voisinnage, ramasser des bouteilles dans la rue ou de pousser la chansonnette au karaoké du coin, mais il est aussi plus drôle et plus intéressant d'enquêter sur soi-même et cette bien commode amnésie, ou même sur la cité de Rivachol où se déroule l'action, son histoire, voir, mais accrochez-vous à vos bretelles, sur la nature de la réalité : on croit débarquer dans un erstaz est-européen des années 70 de notre monde, et en creusant un peu on découvre un univers dense et original digne des meilleurs univers de fiction -
Disco Elysium, c'est un peu L'inspecteur Canardo qui rencontrerait China Miéville, mais avec le souci du détail d'un Tolkien (si celui-ci avait eu le parcours de vie d'un Charles Bukowski) dans l'écriture du background.
Ce qui m'a plus surpris c'est que finalement le jeu est
assez peu politique; ou plus exactement, il a une approche profondément désabusée de la chose politique. Bien sûr, à l'instar du premier journaliste jv venu, libre au joueur d'équiper "Matérialisme historique" dans son cabinet mental afin de spammer des slogans révolutionnaires à longueur de journée à chaque rencontre avec des locaux le plus souvent dubitatifs. Mais dans un RPG où la majorité des PNJ sont écrits de manière à être relativement fins et dotés de multiples facettes, les PNJ les plus politisés sont souvent soit parmi les plus simplistes, soit parmi les plus tragiques du jeu - la seule prise de position que l'on sent venir réellement du coeur, c'est le portrait au vitriol de ce centre social-démocrate, ultralibéral et globaliste - celui qui s'est finalement imposé dans notre monde comme dans celui de Rivachol, peut-être plus par effondrement des alternatives disponibles que sur ses mérites propres... traverser
Disco Elysium donne d'ailleurs souvent l'impression de traverser un bourbier au fond duquel repose toutes les utopies, toutes les illusions des XIXème et XXème siècles, ne laissant qu'un monde brisé, à l'état de cadavre, derrière elles.
J'aurais aimé plus de PNJs et plus d'interactions entre ces PNJs, plus d'enquêtes à résoudre, plus de voix qui s'engueulent dans ma tête - plus de
Disco Elysium donc, ce qui montre bien que j'ai bien aimé le jeu, principalement pour son univers et pour sa galerie de persos. J'ai du mal à voir la révolution du jeu de rôles annoncée, par contre.