Deux ans après la bataille je me décide à regarder cette trilogie.
Et il faut se rendre à l'évidence :
(attention, passé cette image je divulgâche sans pitié, franchement si ça vous évite de voir ces films je vous aurais rendu un service)
Godzilla, et de façon plus générale le
kaijû eiga, en anime est une proposition incroyablement séduisante, pour peu qu'on les place entre
de bonnes mains. Libéré des contraintes matérielles et des budgets propres au cinéma japonais, ça permettrait de réaliser des idées plus folles, d'assumer une direction artistique plus racée, de se libérer des poncifs et clichés inhérent au genre. Pour s'en convaincre il suffit d'imaginer ce que pourrait donner le combat entre Godzilla et un Mechagodzilla, réimaginé par un artiste au style fort,
genre au hasard Shinkawa (au hasard, hein), avec une mise en scène réutilisant les codes du robot-anime post-
Evangelion, déjà très influencé par le
kaijû eiga.
Mais à la place la Tôhô et Netflix se sont dit "pas la peine, on va confier le projet à Polygon Pictures".
Je ne sais pas vraiment par où commencer tant rien ne va, c'est comme si à chaque décision pendant la prod la pire a été prise à chaque fois. La direction artistique est dégueulasse, l'animation est dégueulasse, la technique est dégueulasse, la mise en scène est dégueulasse, le storyboard est dégueulasse, le rythme est dégueulasse et même la performance de Miyano dans le rôle d'un Eren Yaeger de supermarché est dégueulasse... Seule reste l'intention louable de vouloir faire de la vraie SF avec
Godzilla.
Parce qu'elle est là la bonne idée de cette série, du passé faire table rase et essayer de construire quelque chose de nouveau autour de Godzilla, quelque chose qui aurait été impossible jusque là et créer un nouvel univers. Sauf que non, passé le cadre SF qui fait quand même énormément penser à l'adaptation de
Sidonia no Kishi des mêmes Polygon Pictures, le récit est arcbouté sur les fondamentaux de la saga. Avec un nom comme
La Planète des Monstres on pouvait s'attendre à un film d'aventure dans la veine du
Monde Perdu (celui de Conan Doyle, pas celui de Spielberg), avec foison de monstres, l'occasion pour Urobuchi et les réalisateurs de montrer leurs passion pour le matériel source et d'aller chercher leurs monstres préférés dans les seconds couteaux oubliés de tous. À la place on a le droit à un récit qui tourne autour des incontournables Big G, King Ghidorah, Mothra et Mechagodzilla, et encore on passe plus de temps à parler des deux derniers que les voir réellement. Le générique du premier film à quelques fulgurances, en allant chercher des spécimens rares comme Dogora, mais il faudra se contenter d'un caméo pour la forme. Même Rodan n'aura pas le droit d’apparaître hors de cette courte séquence. C'est un peu le même problème que
Final War qui se vendait sur l'apparition des meilleurs monstres de 50 ans de films, mais en réalité ne faisait apparaître que les plus populaires sans vraie prise de risque de la part de l'équipe créative.
Et en ça on résume à quel point les trois films (qui en réalité n'en sont qu'un seul péniblement étiré sur 3H30 puis découpé en 3 épisodes pour mieux les vendre) ont le cul entre deux chaises, ils veulent s'émanciper du canon de la série, faire quelque chose de nouveau, mais en même temps ils restent enchaîné aux poncifs et motifs de la série. Sérieux, même pas 5 minutes dans le premier film, quand les Exif débarquent, j'avais grillé qu'ils étaient juste un nouvel avatar des Aliens X, et que du coup leurs plans impliqueraient à un moment d'invoquer des monstres pour détruire Godzilla/les humains/la terre. Ça n'a pas manqué, alors je ne vous dit pas quand j'ai vu les jumelles et leur œuf ou bien Metphies annoncer la venue d'un monstre encore plus terrible que Godzilla
A un moment j'ai même cru que l'
Oxygen Destroyer ferait son apparition.
Mais je pense que le pire c'est le souffle atomique de Godzilla. Si il y avait un élément emblématique à conserver tant il est lié à l'identité même du monstre, ça serait celui-là. À la place les génies derrière ces films ont décidé de le remplacer par un laser propulsé par le bouclier de plasma généré par les plaques dorsales de Godzilla. Je n'arrive même pas à comprendre ce qu'ils ont voulu faire là. Si ils voulaient une attaque plus rapide et précise que le souffle atomique classique, Shin Godzilla a montré qu'on pouvait très bien en adapter la forme. Mais tel que c'est mis en scène là, ça n'a aucun sens, c'est d'une absurdité sans nom.
De son coté l'intrigue propre à ces films est juste effarante. Entre l'Eren Yeager de supermarché qui va reconquérir la terre avec ses plans improvisés en taule, l'incompréhensible intrigue autour de la Mechagodzilla City qui n'a aucun putain de sens, le Ghidorah d'un autre monde qui nos offre un non-combat... Il n'y a rien à sauver. Surtout que le rythme des films est effarant, à chaque fois on doit attendre entre 50 minutes et une heure avant d'arriver à la partie monstres, et voir des humains discuter dans des couloirs de métal ou devant des écrans holographiques verdâtres en attendant n'est pas ce qu'il y a de plus engageant. Je pense voir ce qu'Urobuchi voulait créer en opposant transumanisme et religion pour finir sur le fait que seul l'humain importe réellement. Mais la porté du propos est très limitée en soit. Et le ton über-sérieux et premier degré dans ta face du film empêche le film d'être sauvé du naufrage par le kitch comme certains nanard de l'époque Shôwa. Parce que putain qu'ils se prennent au sérieux avec leurs histoires de ville en nanométal et de religion new-age de l'espace contre des monstres de la 4e dimension.
Coté technique, Polygon continue ses œuvres de fossoyeur de l'animation japonaise. On peine à reconnaître les designs de Kozaki Yusuke derrière cette modélisation de l'enfer et l'animation à peine fonctionnelle qui a fait la gloire du studio sabote toute tentative d'avoir le moindre jeu qui émane des personnages.
Mais le pire reste coté monstres, mis en scène de façon catastrophique. Ils n'ont aucune masse, aucun poids, rien. La mise en scène est incapable de leur donner une présence physique claire tant le storyboard est aux choux. À la fin du premier film le coup de théâtre est le fait que le Godzilla de 50 m vaincu n'était qu'un enfant du véritable Godzilla de 300m de haut. Mais le film étant incapable de rendre cette échelle, un paradoxe quand l'essence même du
kaijû eiga est justement d'arriver à tricher sur l'échelle des plans pour donner l'impression qu'un acteur dans un costume est bien un monstre de plus de 50m de haut, peu importe en réalité si il faisait 30 ou 3000m, ça ne changerait rien tant les cadrages du film, qui trop souvent collent au monstre, sont incapable de rendre la chose
La bataille du premier film est un gloubi-boulga illisible où des humains à moto volantes essayent de faire exploser la nuque de Godzilla, impossible de nier l'influence de Shingeki no Kyojin, le second est du neo-robot anime, avec des robots volants à la
Gundam SEED incapables d’endommager Big G, et le troisième est un affrontement consternant où Godzilla ne peut ne serait-ce que toucher son adversaire.
Et plus que dans la médiocrité de l'écriture, je crois que l'échec total du film se trouve ici. Dans ce déni total de l'héritage cinématographique du
kaijû eiga pour pondre à la place une soupe en CG qui se veut ultra dynamique mais n'est en réalité qu'illisible. Voila l'avenir de l'animation japonaise selon Polygon Pictures, et les faquins de Netflix leurs signent des chèques en blanc pour saboter un à un des projets séduisants comme
Sidonia ou
BLAME!.
Pour conclure ce post déjà trop long au vues de son sujet, je dirais que ces films ne sont pas que certains des pires animes que j'ai vu de ma vie, que ce ne sont pas que certains des pires films de monstres que j'ai vu de ma vie, c'est simplement certains des pires films que j'ai vu de ma vie. Il n'y a rien à y sauver et les rares bonnes idées qui peuvent y voir le jours sont immédiatement détruites par une réalisation médiocre au possible.
Je place peu d'espoir dans la série de Bones, dont la 3D est déjà un tue-l'amour, mais la présence de EnJoeToh au scénario pique au moins ma curiosité. Ses contributions à
Space Dandy ont donné deux des meilleurs épisodes de la série, ça place le niveau.