Le Seigneur des Anneaux, et tout ce qui s'ensuit.
Il y a quelques mois, je suis rentré en possession des
Contes et Légendes Perdues. Deux bouquins sortit durant les années 80, compilés par
Christopher Tolkien, et qui sont, en gros, une version Beta du
Silmarillion. Le fils a prit les carnets du père, retravaillé tout ça, et donné ce qui existait avant l'écriture du fameux tome honni. S'ensuit un récit plus ou moins bien construit, avec moult annotations et études de texte. Une lecture intéressante par bien des aspects, mais qui a fini par me poser soucis, parce que non seulement ça faisait une paye que j'avais pas lu le
Silmarillion, mais aussi que je n'avais pas lu le
Seigneur des Anneaux tout court. Ma dernière fois devait remonter à la sortie des films au cinoche, et du coup beaucoup de choses se mélangeaient. Donc j'me suis dit, allez go, relisons tout ça. Maintenant que j'ai pris de l'âge et de la bouteille dans la lecture, je me demande ce que ça va donner.
Et la, je dois dire que beaucoup de choses me sont apparues.
Ma première comparaison vient évidemment d'avec les films. J'avais oublié beaucoup de détails, et j'ai pu revoir les transformations effectuées entre les deux. Il faut le redire, la version de
Jackson est quand même très bien, parce que c'est vraiment la croix et la bannière à mettre en forme ce fichu bouquin. Mais la n'est pas le sujet.
La première chose importante à mon sens, c'est la manière dont il écrit, avec deux interrogations sur lesquelles je reviendrais plus tard.
Il décrit beaucoup et peu en même temps. Il y a énormément de descriptions de lieu, partout, tout le temps, même des trucs dont on se passerait bien. Ca nous fait une belle jambe de savoir que L'ithillien est remplit de
tapis de saxifrages par exemple. A contrario, tout les personnages sont décrit extrêmement sommairement. Gandalf a des cheveux blancs et une longue barbe, Aragorn est brun, Frodon a les cheveux bouclés et est de petite stature, Legolas est blond aux yeux bleu... (tout les elfes ne sont pas blonds chez
Tolkien). Que des trucs comme ça, à tel point que j'avais l'impression de lire des descriptions de light novel random.
Un autre point très important, c'est la raréfaction progressive des dialogues. Les personnages se parlent toujours, mais plus le temps passe, plus les évènements sont forts, et plus les personnages ne font que déclamer de longues tirades sans liant précis, sans discussion. Au début ils échangent tous de manière poussée, mais ça a une tendance flagrante à disparaitre.
Troisième point, et non des moindres, il y a un effet assez important de lissage des évènements. J'hésite à parler de platitude, le terme me semble faux, mais chaque évènement est traité et rendu de la même manière. Que l'on parle de l'assaut sur le Gouffre de Helm ou de Sam qui cuit un lapin, il n'y a aucune différence de ton, de manière. Et j'avoue que de nos jours, ça rend vraiment bizarre. Il est possible que la traduction ait un rôle à jouer la dedans (jamais testé la nouvelle), mais je n'en suis pas persuadé.
Dernier détail, l'exposition est vraiment rapide à lire. D'ailleurs tout le bouquin est rapide à lire, franchement. Oui c'est gros, mais c'est suffisamment fluide pour ne jamais gêner.
Première interrogation : est ce que
Tolkien avait envie d'écrire ce livre ? Seconde interrogation : est il vraiment un écrivain ?
Je me demande s'il avait envie parce que l'on sent, plus le récit avance, à quel point ça lui parait pénible d'amener les évènements, de les lier. La
Communauté est toujours très bien, et les deux autres sont loin d'être des sinécures, mais chaque chose se précipite de plus en plus, et la rapidité d'exécution de la dernière partie me fait vraiment me dire qu'il en avait ras le bol. Couplé au fait qu'il a passé douze ans pour écrire ça, et en prenant en compte son travail effectivement important, en terme de volume, ça me semble quand même beaucoup. C'est aussi en lien avec ces
Contes Perdus, ou l'on sent la personne qui adorait écrire des petites histoires, inventer des choses, mais pas des récits, pas de vrai trucs longs et prenant.
Pour la seconde question, il n'y a aucun doute que
Tolkien écrivait. Il écrivait tout le temps, dans ces carnets, dans le courrier qu'il envoyait, dans son travail en tant que professeur à Oxford. Ca faisait partit de sa vie. Mais il y a une différence entre écrire et être un écrivain. Je reviens sur ses douze ans encore une fois, mais vu le temps et le résultat, ça déconne sévèrement. Son réflexe d'être constamment sommaire, d'avoir un texte qui devient de plus en plus âpre et lancé sur les pages, et, redisons le encore une fois, cette connerie d'avoir scindé les
Deux Tours en deux parties. A peu prêt personne de sensé ne ferait ça, ni maintenant, ni à l'époque. C'était la partie que j'aimais le moins à l'époque, a la relecture ça va beaucoup mieux, mais quelle idée à la con d'avoir les aventures de la communauté d'un coté et de Frodon et Sam de l'autre. C'est ni fait, ni à faire.
A coté de ça, j'ai été agréablement surpris de retrouver pas mal de personnages de l'époque, tel que je les imaginais, et de ne pas être trop parasité par le film (un peu, forcément, mais y'a un feeling parfois trop différent entre les deux visions pour que ça colle). Même si certains changent complètement de tronche aussi : je m'imaginais toujours Cirdan - l'un de mes persos préférés sans raison valable vu son taux d'apparition - comme un genre de pirate en blouse classe, cheveux poivre et sel, cicatrices et gouaille ravageuse. Le mec a les cheveux argent, très long et une barbe plus longue que Gandalf. On repassera pour le pirate bogoss. Aussi, de retrouver certaines idées importantes, distillées tout du long, qui ont un impact tout différent de ce que j'imaginais quand j'étais gamin ou ado. Ca reste toujours passionnant à lire, quoi qu'en en dise.
J'ai réattaqué le
Silmarillion depuis quelques jours, et je n'aurais pas grand chose à en dire à par que 1) c'est vraiment très court à tout les niveaux, mais du coup la double lecture avec les
Contes Perdus est intéressante en diable, et 2) putain que c'est traduit avec les pieds quoi. Mort à Pierre Alien sérieux. Bon, il est déjà mort, ok. Mort à Christian Bourgeois de ne l'avoir jamais retraduit.