The Disaster Artist v. The Disaster Artist Un bon gros pouce vers le haut pour le livre, un "mouif" pas vraiment convaincu pour le film. Et je pense que le fait que j'ai lu le premier explique ma déception devant le second.
Le livre et le film
The Disaster Artist sont deux œuvres qui parlent de la même chose, la création d'un des films les plus incroyablement mauvais de l'histoire du cinéma, mais ne racontent pas la même histoire. Et ce malgré que le second soit une adaptation du premier.
Le livre est le récit de la vie de Sestro de sa rencontre avec Wiseau à la sortie du film, de comment en refusant de laisser tomber son rêve de devenir acteur à tout prix il va se lier d'amitié avec ce reclus handicapé social au dernier degré et avec qui il partage plus qu'il ne voulait bien l'avouer à l'époque. Il y a des moments assez sombres comme quand Wiseau va le manipuler pour tenter de rester son seul et unique ami, ou la façon dont il va le forcer à jouer dans un film condamné à l'échec. Le livre est avant tout un portrait du personnage Tommy Wiseau, car c'est en comprenant ce qu'il est, quelles sont ses craintes, ses aspirations et ses ambitions que petit à petit énormément d'éléments de
The Room prennent sens. Et ce sans même parler des accidents de production qui font du film ce qu'il est.
De l'autre le film est un récit hollywoodien très classique de deux rejetés qui décident d'accomplir leur rêve coute que coute. Une sorte de Ed Wood qui troque le romantisme de Tim Burton pour un ton de film indé décomplexé propre à plaire à Sundance. Sauf que l'ironie ultime est que le récit de ces deux pieds nickelés qui vont réussir malgré le système est bel et bien produit par un gros studio. Le film insiste bien que
The Room est leur film à tous les deux quand dans le livre Sestro est clair que c'est l'œuvre de Tommy Wiseau et Tommy Wiseau seul.
Et c'est là que j'ai du mal avec le film
The Disaster Artist. Autant je comprend le besoin d'arranger les faits pour que le rythme du film se tienne comme résumer en une projection ce qui en réalité a pris plusieurs semaines puis années, et ce même si ça aboutit à des scènes vraiment étranges comme Sestro qui déménage de sa coloc avec Wiseau en plein tournage (qui aurait le temps à ce moment ?). Autant la finalité du film va complètement à l'encontre du livre. Pour Sestro lui-même le film est un avertissement contre le risque de suivre ses rêves à tout prix, le film est la glorification de l'aventure de deux types sans talent qui réussiront malgré tout à accomplir leur rêve. Et au passage échoue complètement à expliquer pourquoi
The Room est au cinéma ce que serait à la littérature un roman écrit par quelqu'un qui ne connait pas la grammaire.
Et du coup je comprend mieux pourquoi Wiseau aime ce film et le qualifie de 99% fidèle à la réalité quand il estime que le livre n'est lui que 40% fidèle à la réalité. Parce que ce film, encore plus que
The Room qu'il a pourtant lui-même écrit dans cette optique, en fait un véritable héros américain. Un homme qui ne va reculer devant rien pour arriver à matérialiser son rêve envers et contre tout. Et qui au final y arrive. Ce Tommy Wiseau là lui est forcément plus séduisant que le Wiseau du livre, seul, inapte et manipulateur mais aussi beaucoup plus humain.
Le film a aussi fini par m'agacé avec sa posture. Au début l'idée d'un film sur le tournage de
The Room réalisé et interprété par un James Franco qui ne sortait pas de son personnage entre les prises pour diriger son équipe technique me bottait bien, autant dans le film ça fini par tourner à l'auto-complaisance. Les 5 minutes de parallèles entre les scènes du film de Wiseau et leur recréation parfaite par Franco à la fin avant le générique (oui oui, pas pendant mais bien avant) sont insupportables de satisfaisance.
tl;dr : si vous avez vu
The Room et voulez comprendre comment un tel objet cinématographique a pu voir le jour, lisez le livre. Si vous souhaitez voir une belle histoire d'
underdogs qui chassent leurs rêves à Hollywood, regardez le film. Ce n'est même pas la peine de vous infliger
The Room avant, si c'est pas le bonheur ça... Mais si vous êtes dans ce second cas vous devriez probablement revoir le
Ed Wood de Burton avant, qui est un meilleur film sur tous les points.