"Saison 11" Episode 05.
Le plus solide et le plus habité, pour l'instant.
Je pense maintenant avoir compris pourquoi les scripts de James Wong m’apparaissent comme les plus efficaces et les plus sincères de ce revival mitigé. Il est à présent le seul, je dis bien le seul scénariste vétéran de la bande à se mettre
au service de la série, lorsque les autres plient le show à leurs besoins ou aux vagues messages qu’ils souhaitent y véhiculer. Wong lui n’a pas ces prétentions "auteurisantes" qui confinent trop souvent, lorsque le résultat n’est pas à la hauteur – c’est-à-dire en l’occurrence tout le temps – à la fatuité ; il illustre les concepts, chose la moins glamour d’entre toutes dans la création, et pourtant la plus essentielle sans laquelle il n’y a plus rien. Bref, Wong endosse en fait le pan le moins narcissique, le moins m'as-tu-vu, le plus noble : développer le matériel sans répandre son nom partout. Sûrement refroidi par les désillusions de son horrible excursion hollywoodienne, il a abordé son retour dans
X-Files avec une humilité que les autres seraient inspirés de redécouvrir. En effet, le 11X05 se dévoue entièrement à la légitimation de la mini-saison et n'existe que pour secourir l'édifice en essayant de rendre intéressante une storyline conçue par autrui et qui ne l'est pas beaucoup. Et mine de rien, il marque des points dans ce match ingagnable. C’est encore une fois la raison pour laquelle ce
Ghouli, un peu scolaire, un peu facile par moments mais tellement désireux de bien faire, provoque une sympathie que ne possède aucun des volets précédents de cette ultime fournée.
Pourtant l’épisode pâtit de moultes maladresses qui l’excentrent de la cible : l’articulation entre affaire de monstre et fil rouge est rudimentaire, le monologue de Scully à la morgue est bien trop long, bien trop démonstratif et l’émotion eût été fort mieux communiquée dans la retenue, la présence ici de Skinner semble un tantinet téléphonée etc... Mais tout comme pour
Founder's Mutation, ce segment est d’abord un prolongement consciencieux des décisions pas géniales entérinées par Chris Carter et avec lesquelles il doit composer, bon gré mal gré. Autrement présenté,
Ghouli part avec le handicap de la mythologie de William harnachée à son cou et la mission de montrer concrètement ce que le surfeur se contentait lui d’ébaucher ; or on peut estimer que dans ces conditions il ne s’en sort pas si mal, voire un peu mieux. Une impression renforcée par le fait que Duchovny et Anderson, encadrés cette fois, jouent mieux que d’habitude et que le script ne commet pas l’erreur récurrente de leur faire décocher une blague ou un clin d’œil à la minute – cf
This. Certes c’est loin d’être passionnant, assez convenu, mais cet opus n’a pas d’autre finalité que d'enfin proposer une
exécution décente et un minimum de déploiement autour des idées lancées par d’autres, idées qui n’illuminaient pas exactement le paysage audiovisuel de leur suprême finesse. Et à moins d’avoir percé les secrets de la Pierre Philosophale ou de s’appeler MacGyver, on ne transforme de toutes façons pas le plomb en or.
Conscient des limites narratives de l’exercice – lequel consiste en gros à sortir
My Struggle III de son état théorique, Wong adopte une méthode typiquement x-filienne pour relever le volume à la marge, à savoir perfuser sa copie de petits détails, de références et de citations, ici de Malcolm X ou Edgar Cayce. Et ça marche, à peu près. Jusqu'au navire baptisé Chimera suggérant de nouveau, à sa manière, le thème de la combinaison génétique. En outre, la connaissance qu'a Wong des classiques, qu'il utilise sans plagier, est à saluer : son précédent essai s'inspirait discrètement du
It's Alive de Larry Cohen, celui-ci semble avoir été sérieusement influencé par
Donnie Darko. Le fait que notre homme soit le dernier dans cette équipe à chercher à élaborer un rythme, à varier les lieux de l’action plutôt que de camper dans un parking représente également un plus par rapport à quelques mises en scène fadasses de ces dernières semaines.
Ghouli aujourd'hui n'est peut-être pas aussi carré que le fut
Founder's Mutation durant la salve de 2016. Mais il est le premier épisode de cette collection 2018 mi-figue mi-raisin à ne pas faire semblant d'être plus que ce qu'il est, à donner pour la série sans effets et sans flagorneries. A l'heure où les autres se la racontent comme s’ils étaient le nouveau
Macbeth, c'est franc et plaisant.
A noter le vrai-faux site
ghouli.net sur lequel certains croient avoir débusqué quelques "indices".