de Gemini le Mar 21 Aoû 2018, 23:54
Je pose ça là.
Disenchantment (saison 1) : Bean est une princesse soularde pas franchement emballée par la perspective d'un mariage arrangé pour des raisons diplomatiques. Elfo un elfe désireux de découvrir le monde. Et Luci un démon attaché à Bean pour la pousser à faire les pires choix possibles (qu'elle ferait probablement de toute façon). Ceci est leur histoire.
Nouvelle série de Matt Groening, production Netflix, bref elle était attendue. Et j'ai l'impression que les retours sont au mieux mitigés. Pour ma part, j'ai apprécié, suffisamment pour aller jusqu'au bout de la première saison, mais sans tellement plus. Il y a des défauts, notamment dans l'écriture. A ce propos, autant crever l'abcès de suite concernant le format Netflix. Comme souvent, la première saison ne fait même pas semblant de proposer ne serait-ce qu'un ersatz de fin. Le dernier épisode s'achève sur encore plus de questions alors que la première saison n'a répondu à aucunes de celles posées au début. Pas de souci, la suite est déjà en production. Et avec toute la publicité pour le titre, celui-ci va marcher même si les spectateurs ne l'apprécient pas (l'important étant qu'ils s'abonnent et cliquent sur la vidéo). C'est toujours aussi frustrant. Pour rester sur le format, il s'agit d'une série qui doit pouvoir se regarder en une traite, ce qui condamne la formule des Simpsons et de Futurama bâtie sur des épisodes indépendants. Ou du moins, chaque épisode de Disenchantment possède sa propre trame, mais au sein d'une continuité. Avec notamment les soucis d'écriture mentionnés tantôt, notamment en raison d'un artéfact magique extrêmement pratique, extrêmement important dans le dernier épisode, mais jamais véritablement introduit dans l'intrigue en mode "mais si, ça a toujours été là (même si personne n'avait jamais pensé à s'en servir)". Voilà pour le format.
Disenchantment se déroule dans un univers médiéval fantastique. Et ce qui m'a plu d'entrée, c'est que le côté médiéval me parait plus prononcé que dans la plupart des œuvres dans cette veine. Nous y trouvons toutes les saveurs du Moyen-Âge dans ce qu'il peut avoir de plus caricaturalement glauque : les épidémies, le fort taux de fécondité, la mortalité infantile, les rues utilisées comme vide-ordure, la médecine pas franchement au point... Cela a l'air simple dit comme cela, mais j'ai l'impression que ces aspects réalistes peu glorieux sont souvent mis de côté, au profit d'une vision s'attachant moins à la vie quotidienne du petit peuple. Les décors sont soignés et fourmillent de détails qui viennent donner de la vie et de la crédibilité à l'ensemble, c'est quelque chose qui m'a accroché dès le début. Pour autant, la série possède bel et bien son côté fantastique, sauf que celui-ci fait aussi partie de la vie quotidienne.
Mais revenons à un sujet qui fâche : l’humour. Si vous vous attendez à des successions de gags ou à des réflexions acides sur notre société contemporaine (à grand renfort de références), alors vous pouvez passer votre chemin. Disenchantment possède bien un humour plutôt méchant, mais aucun moment que je qualifierai d’hilarant. Il distille plus une ambiance comique, un humour à froid fait d’éléments incongrus qui traversent le cadre, le tout servant de support aux aventures des protagonistes. Cette différence avec les précédentes séries à succès de leur créateur est nécessaire compte-tenu du format de ce nouveau titre, mais risque de décevoir ceux qui attendent qu’il applique son style habituel à un univers médiéval fantastique. Vous voilà prévenus.
L’humour repose plus sur la personnalité de chaque personnage, la façon d’aborder les aspects habituels du genre, et comme indiqué tantôt l’incongruité de certaines situations même si elles pourront paraître banales aux protagonistes eux-mêmes (comme le comportement toujours étrange de la reine Oona). La série n’aborde pas de front les thèmes d’actualité, il y a bien un groupe de brigands non-binaires que je prends plus pour un troll de l’auteur, et évidemment le fait que le personnage principal soit une princesse sortant largement des archétypes du genre. Pour autant, la série n’est pas ouvertement féministe ; son entourage reproche à Bean avant tout son irresponsabilité, là où son alcoolisme ou ses manières semblent plus aisément acceptées dans son univers, notamment car nous comprenons rapidement que sa mère ne valait pas mieux.
Justement, quelques mots sur les personnages. L’héroïne est donc la princesse Tiabeanie, élevée par un père absent et grossier, une belle-mère absente et dérangeante, et surtout les poivrots de la taverne. Tout est dit. Bean est un électron-libre qui ne sait que trop bien ce qui l’attend si elle se marie, dangereuse pour son entourage, soule la moitié du temps, et avec de gros problèmes relationnels avec son père. Pour autant, elle ne revendique jamais sa liberté ou de ne plus être une princesse, elle se contente surtout de n’en faire qu’à sa tête et de boire pour oublier. Elfo est un concentré de naïveté et de gentillesse, qui essaye tant bien que mal de pousser Bean à faire les bons choix, tandis que Luci est un démon avec pour mission l’exact inverse. Ce sont surtout des compagnons de beuverie, et autres expériences plus ou moins licites. Enfin, il convient de citer Zog, une figure paternelle à faire passer Homer Simpson pour un modèle, sans parler d’un roi à peine moins irresponsable que sa fille. Dans l’ensemble, l’alchimie entre eux fonctionne bien, même si Elfo peut s’avérer irritant, ou que les motivations de Luci comptent parmi les nombreux aspects qui ne sont sciemment pas abordés dans la première saison (même si nous pouvons nous en douter), et dont nous pouvons espérer qu’ils le seront avant l’annulation du projet…
Disenchantment est un titre sympathique mais imparfait, notamment en raison d’une fin plus frustrante qu’autre chose et d’un scénario qui laisse volontairement des informations de côté, certes pour le suspens mais de manière parfaitement artificielle. Les personnages sont bons sans être toujours mémorables, et l’humour sert plus de support à une toile de fond misant sur les mystères et l’aventure, ce qui fonctionne assez bien. J’ai passé un bon moment, et je suis curieux de voir la suite.