MA VIE DE COURGETTE
Réalisation : Claude Barras
Scénario : Céline Sciamma, d’après le roman de Gilles Paris
Production : RITA, Blue Spirit et Helium (France-Suisse)
Sortie le 19 Octobre 2016.
Icare, dit Courgette, a tout juste neuf ans lorsqu’il rejoint le foyer social des Fontaines...
Pour son premier long-format d’animation, le suisse Claude Barras a toujours ses quartiers dans l’univers des facéties infantiles ; à ceci près que cette fois les jeux des petites têtes dissimulent des itinéraires pour le moins douloureux. Les gamins en souffrance qui entourent Courgette ont été séparés de leur famille qui les battait, les délaissait ou abusait d’eux, et semblent depuis s’être résignés à disparaître dans l’indifférence du monde. Mais plutôt que de verser dans le pathos et les lamentations que son synopsis suggère, le métrage jette rapidement son dévolu sur le champ de la comédie douce-amère, en adoptant l’angle intarissable des premiers émois relationnels. Peuplé d’adultes altruistes à l’instar du gentil policier qui s’est attaché au protagoniste, le film tient à conserver tout ce qu’il faut de flexibilité entre conte mignon et soubassement social, plaisanteries et cicatrices, pour s’adresser à un public étendu. La fréquente justesse du script le permet d’autant mieux que le doublage est assuré par de vrais écoliers en lieu et place des pseudo-vedettes TV habituelles qui accaparent progressivement le micro. Simple, maîtrisé et tout entier tourné vers son échaffaudage émotionnel, le récit économise ses effets pour céder le rôle aux enfants et à leurs turpitudes tragi-comiques, leur chemin de résilience symbolisé à l’écran par une "météo des sentiments" placardée à même les murs du vestibule. Et au moment du générique de fin, lequel s’invite après seulement soixante minutes filées à toute allure, la certitude d’avoir face à soi une référence incontournable en devenir.
Pour ne rien gâcher, la production est une évidente réussite formelle. Rivalisant sans peine avec celle des gros studios anglo-saxons, l’animation en volume du film ne peut pas être prise en défaut ; d’ailleurs, avec un rendu moyen de trois secondes par jour de tournage et par animateur, c’est le haut du panier qu’elle visait dès la conception du projet. Les marionnettes accomplissent leur quête de sens en adoptant de grands yeux tantôt mélancoliques tantôt suppliants, paraissant habitées d’une expressivité et d’un pouvoir de séduction supérieurs à la moyenne. Elles sont bien aidées en cela par un storyboard et une mise en scène qui parviennent fréquemment à rendre palpables les songes des orphelins, et contribuent à façonner un métrage achevé dans toutes ses dimensions.
Cristal d’Annecy 2016, Ma Vie De Courgette est un grand film d’animation.