de Zêta Amrith le Ven 26 Fév 2016, 13:57
4.3 millions de spectateurs en moyenne pour les deux premiers épisodes sur M6.
C'est un bon score, malgré l'abduction de 500 000 personnes entre les deux.
Je suis de ceux qui n'avaient pas trouvé mauvais ce My Struggle, je continue de penser qu'une somme décente de séquences réussies isolément tire vers le haut l'ensemble, mais My Struggle II est bien plus délicat à soutenir. Pour ce que vaut Rotten Tomatoes, le second épisode y est deux fois moins bien noté.
Spoilers (My Struggle II)
Narrativement, il n’est pas du tout constructif de faire un épisode (My Struggle) qui annonce un danger non-identifié, qui plus est au sein d’un grand mixeur mêlant sans hiérarchie surveillance de masse, OGMs et guerres au Moyen-Orient, puis de lancer le cataclysme en question sous une autre forme dès l’épisode suivant. Le plus gros handicap de l’arc, et plus généralement de la mini-saison, est qu’il manque un épisode entier entre My Struggle et My Struggle II. Qu’en l’état les deux ont peu de liant. Et que Carter ne le sait peut-être meme pas, lui qui a perdu le manuel d’utilisation de la mythologie. Dans une série comme The X-Files, relativement lente, où les menaces doivent être soupçonnées sur la base d’éléments physiques (et non parce qu’un animateur de talk-show internet a déclaré ceci ou cela), réitérées à plusieurs reprises, illustrées à petite échelle puis étayées dans leur réalité par une enquête, cet emballement précipité proposé par My Struggle II ne fonctionne pas. Voir Scully tenir le rôle de Mulder en hurlant à l’épidémie mondiale à la vue d’un unique spécimen contaminé à l’anthrax, même si le script lui donnera évidemment raison, n’est déjà pas loin d’être insupportable. La voir changer d’opinion sans arrêt sur les causes d’un phénomène qui n’existe encore quasiment pas au moment où elle affirme sa signification nous remémore en plus l’écriture haïssable de I Want To Believe, dans toute sa misère, lorsque Scully sollicitait Mulder pour une enquête qu’elle lui reprochera de mener une demi-heure plus tard – ce que Carter appelle aujourd’hui un rebondissement, mais que le sens commun définit mieux sous le nom de script en plastique. On essaie de nous faire croire que la thèse de la maladie provoquée par l’ADN alien démentie par Reyes est un retournement de situation ; mais la première thèse n’ayant reposé sur rien d’autre que les dires de O’Malley dans sa vidéo, il s’agit en fait d’un retournement de non-situation. D’une dissertation sur le vide. La narration se borne à enchaîner les prises de sang dans un laboratoire et à aligner des concepts génétiques entre deux portes, pour expliquer un phénomène téléporté d’une storyline fantôme, dont, faute de temps et peut-être aussi d’argent, on ne voit pas les effets sur le monde, et dont on ne connaît pas non plus la capacité de nuisance. Et pourtant, le scénariste semblait content d’être le premier à évoquer à la TV ladite technique d’altération de l’ADN, sans doute à la pointe des connaissances actuelles ; il a oublié au passage que plausibilité scientifique et intérêt artistique sont deux notions distinctes, qui peuvent cohabiter dans de trop rares moments de grâce de la SF populaire, mais sûrement pas deux notions interchangeables. Les gens trouvent les greffes de tête de I Want To Believe stupide ? Peut-être ont-ils tort, mais "ça a été fait sur des chiens en Russie en 1954, j’ai les documents qui le prouvent" n’est pas une réponse de raconteur d’histoires. Lorsque c’est bien fait, la suspension d’incrédulité remplira toujours mieux son rôle que les meilleures cautions savantes. Ici, ce voeu de véracité a des allures d’alpha et d’omega de l’épisode, ou de compensation tardive après avoir infligé au public l’anti-science des Super-Soldats. Alors égarée dans vingt minutes d’exposition terminologique tenues entre quatre murs, la tension ne prend pas et l’épisode déçoit.
Par ailleurs, la thématique de l’épidémie apocalyptique n’est pas une idée neuve chez 1013. Dans le final de la Saison 2 de MillenniuM, Glen Morgan et James Wong avaient écrit un double-épisode mitoyen et mémorable qui fait encore référence dans le domaine, lequel sans négliger le caractère technique, voulait faire de la pandémie de Marburg l’extrapolation eschatologique de la tragédie humaine du héros – ses croyances, sa famille, tout se cassait la gueule en même temps et la fin du monde devenait alors le versant matériel de sa mort personnelle. S’il n’avait pas participé à ce coup de maître, Carter s’était néanmoins sciemment appliqué à le saborder dès le début de la Saison 3, pour des raisons qu’on ne détaillera pas. Il y a donc une justice à le voir ramer pour péniblement se hisser au dixième de ce qu’avaient naguère accompli ses subalternes. En fait, il est très compliqué de regarder My Struggle II sans penser au monumental dyptique The Fourth Horsemen – The Time Is Now, que le producteur exécutif imite jusque dans son leitmotiv THIS IS THE END. Et au petit jeu des comparaisons...
Un showrunner plus lucide, ou ayant fait son auto-critique depuis le temps qu’on lui dit que sa série s’amoindrit, aurait compris qu’un second épisode était nécessaire pour faire le lien entre les deux My Struggle. Diégétiquement parlant, cet épisode aurait dû être ce que Carter ne sait plus écrire depuis vingt ans, à savoir une enquête sur le terrain de Mulder et Scully. Laquelle aurait confirmé par des moyens proactifs les dires de O’Malley et suggéré le motif viral comme le thème en (re)devenir. Puis fait réapparaître le vieil informateur pour en dire davantage sur l’histoire de l’écran de fumée Roswell – on peut repousser la révélation des motivations de la Conspiration à la Saison 15, mais entretenir plus longtemps le suspense sur un évènement datant de 1947 est un contresens narratif. En l’absence d’une telle implication, d’une telle vérification, Mulder et même Scully auront été dans cette mini-série les disciples d’un deux ex machina du net, qui cherche la Vérité à leur place off-screen, et en trouve au moins une partie.
Je ne vais pas répertorier toutes les bêtises, maladresses, raccourcis et automatismes paresseux en vigueur dans le final. Conférer un rôle prépondérant à deux personnages apparus pour la première fois la semaine précédente (dans un loner qui plus est), de surcroît simples clones des protagonistes de la série, pendant que Skinner sert le café – il aurait dû au moins endosser une part des actions de Miller. Montrer la panique grimper dans tout le pays par le biais exclusif de l’émission internet marginale de O’Malley plutôt que d’intercaler entre ses mots des extraits de grands médias pour illustrer ce que le public américain découvre réellement à ce moment là ; quand on feint de croire que la moitié des Etats-Unis regarde le show conspirationniste d’Alex Jones sur son site c’est que l’on a déjà quelque peu débranché du monde réel. Et quand on nous explique que Mulder pourrait laisser sur son bureau l’application PC permettant de pister son téléphone et donc ses déplacements 24/24 – alors même que le premier épisode montrait un post-it accroché sur la webcam intégrée de son ordinateur – on joue sans respect avec l’indulgence du spectateur. Seule critique à jeter au fond de la corbeille sans se retourner : celle du fan-club officieux d’Hillary Clinton, qui vitupère contre Carter parce que sa fiction soutiendrait désormais les extrémistes mormons, créationnistes et autres écolos anti-vaccins, alors que la storyline sur les méfaits supposés des vaccins anti-varioliques dans X-Files a vu le jour dès la fin de la Saison 2, pour être mentionnée de nouveau durant les Saisons 3 et 4. Ce point là a littéralement toujours figuré dans la série.
Conscient du caractère un peu mou de son package, Carter tente plusieurs fois de poivrer artificiellement la mixture. D’abord, il incorpore une scène de bagarre au milieu de son script, bien qu’elle soit peu raccord avec ce que l’on sait de Mulder. Bref, tant mieux, mais connecter son cerveau trente secondes suffit à comprendre que l’altercation n’avait aucune raison d’être. Le pugilat n’aurait pas eu lieu, ou pas de cette manière, si le nervi avait simplement frappé à la porte de Mulder et présenté son offre, au lieu de rentrer chez lui comme un voleur avec inscrit Complot sur le front. Rebelotte avec le cas Reyes, imaginé comme la séquence-choc à l’intention des fans : pour assurer sa survie, elle a rejoint le Côté Obscur. On peut saluer ce retour à l’écran plus inventif que la moyenne, sauf que l’on a toutes les peines du monde à saisir en quoi le CSM aurait eu besoin d’elle en 2002. Elle ne possède aucune position particulière et a quitté le FBI juste ensuite. Il est certes amusant d’imaginer qu’elle puisse représenter un succédané de Mulder et Scully pour celui qui n’a jamais pu les acheter, mais c’est là un motif insuffisant pour justifier la situation. Encore une fois, bien qu’il s’agisse d’un petit effet fan-service assez efficace et de l’une des rares surprises du scénario, Carter bricole son étagère et la légitimité du choix laisse songeur. Le revirement de Reyes, personnage le plus dévoué et altruiste qui soit au cours de la Saison 9, a en outre pour limite de ne pas susciter une grande émotion eu égard aux circonstances : d’un côté la savoir rejoindre le CSM est décevant, mais en même temps il est compliqué de lui reprocher de coopérer avec un pistolet sur la tempe. Bref, positif et négatif s’annulent dans l’histoire et Scully elle-même ressort de cette mise au clair atone, indifférente, comme si personne n’en avait finalement grand-chose à cirer. A part le CSM donc.
La survie du CSM expliquée par... le fait qu’il a survécu. Les supputations de fans depuis un an, plus alambiquées les unes que les autres, en deviennent rétrospectivement cocasses. Mais pourquoi pas. Après tout, on est dans le cas de figure typique où la fin autorise les moyens : quel pourcentage du fandom aurait souhaité un autre antagoniste que celui-ci au seul (infime) bénéfice de la crédibilité du final de toutes façons pas reluisant de la Saison 9 ? Une fourchette haute de 2% ? Et puis force est de constater que William B. Davis est un peu la seule chose de très réussie dans ce segment. Contrairement à David Duchovny et Gillian Anderson, perdus entre un script dont ils ne comprennent pas vraiment l’intérêt et la direction d’acteurs inexistante de Carter, il joue bien sa partition. Il sait qu’il n’a qu’une chose à faire, incarner l’être machiavélique, et il le fait parfaitement. Il a même l’air content d’être là, alors qu’il semblait juste déconfit à l’idée de mettre en boîte son apparition de 2002. Et à ceux qui reprochent au personnage d’avoir perdu tout son mystère et sa complexité pour devenir un grand méchant sadique et mégalomane à la Palpatine... c’est vrai, mais il conviendrait de rappeler que cela remonte à la Saison 7 et qu’en l’état Carter ne fait que poursuivre sur la même pente.
Parce que l’épisode a décidé de ne se distinguer dans aucune catégorie, la réalisation est d’un amateurisme parfois étonnant. Ca commence tôt dans la copie avec de vraies fautes de goût, tel le visage de Scully se changeant en celui d’un Gris via un morphing moche – un instant aussi bizarre de par son inutilité racoleuse que par le kitsch de sa technique 3D désuète. Le FX du crash de Roswell dans le premier volet était lui pleinement justifié, et même souhaitable puisqu’il s’agit de l’élément fondateur de toute la série. Les loupés esthétiques continuent avec le floutage cheap des coins de l’écran pour signaler un flashback. Ceux qui se demandaient quel cinéaste utilise encore ça en 2016 en-dehors du producteur de Camping Paradis ont eu leur réponse ; idem pour ces effets de zoom et de de-zoom dignes d’un tokusatsu nippon. Le regard de Reyes filmé en gros plan, façon documentaire d’entomologie de la BBC, fait également partie de ces incongruités qui détricotent une partie de la dramaturgie voulue en déployant un savoir-faire d’étudiant. Cette carence flagrante de préparation en amont conduit naturellement la (seule) séquence difficile de l’épisode, celle des rues bondées de personnes malades qui s’agglutinent, à complètement passer à côté de son potentiel : il manque des gens à terre. Sinon décédés, au moins trop affaiblis pour marcher. Deux plans succincts bien placés d’une demi-douzaine de personnes couchées sur le trottoir auraient suffi à créer l’effet d’inquiétude recherché par Carter. Mais non, rien. A la place le surfeur nous montre un (un !) casseur à capuche vandaliser une vitrine avant que Scully ne vienne le sermonner – ça marche en plus, il a l’air tout piteux après ça. Il est certain que réaliser trois épisodes à la suite, en plus de les scénariser et de servir de producteur exécutif pour les autres est chronophage et laisse peu de temps pour cogiter la mise en scène. Mais quand même : pas un fichu passant n’est en souffrance de tout l’épisode, or l’angoisse pandémique réelle aurait été de nous laisser apercevoir des gens affectés à l’extérieur des hôpitaux. Il est "normal" de voir des gens malades dans un hôpital. Il est inquiétant de voir des gens malades dans la rue. C’était l’axe fondamental, qu’un Morgan n’aurait pas pu laissé filer. Mais à l’instar du scénario, Carter a enjambé l’important pour concentrer ses efforts sur la périphérie. Ramenez Rob Bowman, ou Thomas J. Wright, mais ne laissez plus Carter toucher à une caméra pour tourner autre chose qu’un segment sur un monstre mi-homme mi-chauve-souris.
Et pourtant tout cela était encore tolérable, car plus ou moins protégé par l’utopique perspective d’un approfondissement en début de Saison 11. Mais ça c’était jusqu’aux trois dernières minutes et ce moment d’une idiotie sans limite, où Scully s’écrie après avoir vu le visage de Mulder : « Il lui faut des cellules-souche maintenant ! Mais je ne sais pas où est notre enfant ».
Toutes les excuses et subterfuges stoppent alors leur défilé, car le squelette de la méthode de Carter apparaît subitement sans fards, confondant de médiocrité, tel un numéro de magicien dont les mécanismes et trucages se retrouvent éparpillés sur scène. Outre les talents divinatoires du diagnostic facial de Scully, ce prétexte parachuté du cosmos pour réintroduire le fil rouge William (que le scénariste ne calculait plus) au détour de la dernière réplique de la mini-saison sonne le gong. Les héros ne sont plus ici des personnages réagissant à la réalité à laquelle ils sont confrontés, ils sont la voix de Carter, et à ce titre, deviennent omniscients ou l’inverse lorsque ça l’arrange. Ils n’ont plus besoin d’enquêter, de comprendre, de vivre ou de tester avant d’affirmer : ils sont Carter donc ils savent au premier gars enrhumé dans le couloir qu’une épidémie mondiale se prépare, et à sa tronche que le vaccin ne suffira pas pour Mulder. A cet instant où la consternation l’emporte sur tout autre sentiment rationnel, même la brave Anderson a l’air dépecée à l’idée que quelqu’un filme la séquence et la diffuse un jour à la télévision – elle se souvient peut-être, elle, que le même thème et sa fameuse recherche Google associée étaient déjà le talon d’achille du second film. Jusque là déséquilibrée mais fort honnête, la mini-Saison 10 ne s’achève pas sur un cliffhanger mais sur une insulte de Carter à sa propre intelligence. On peut trouver des raisons, des axes de défense, des circonstances atténuantes à bien des écueils du final, mais celui-là est trop haut perché.
Le plus regrettable dans tout ça étant que le premier épisode de la Saison 11 n’aura pas d’autre marge de manoeuvre que d’aboutir à un pétard mouillé en bonne et dûe forme : outre Mulder alité au profit de Miller et Einstein, l’épidémie devra nécessairement être stoppée en un temps record, puisqu’il s’agira de nouveau d’une mini-série, et tout cela n’aura ainsi servi à pas grand-chose. A moins que le plus dommageable finalement soit qu’à présent, à cause d’une écriture de pingouin, 70% des fans sont persuadés que la direction à prendre pour la série est celle entrevue dans Mulder And Scully Meet The Were-Monster, laquelle devrait être l’exception, ou que le défaut de l’épisode réside dans le fait que Mulder et Scully n’y interagissent presque pas. Heureusement pour son créateur, les fans de la série se focalisent toujours autant sur l’écume des choses.