Tetho a écrit:J'ai du mal à voir quand-est-ce qu'elle ancre fermement son pied dans le genre et le commente.
Quand elle décide qu’elle s'apparentera encore, au-delà de ses éléments rapportés et de la tentative de subversion qu’elle propose via la torture psychique de Fate, à une série de magical girls. Bon ok, le commentaire, là c'est abusif. Nanoha a trouvé un usage positif à la magie puisqu’elle a réussi à libérer Fate. Fate a trouvé sa libération dans le fait de devenir l’amie de l’héroïne plutôt que d’être la magical girl de combat de sa mère. Tu enlèves le Commissariat Galactique ou je ne sais plus son nom, tout ce decorum hybride de mauvais goût, tu retrouves le minimum. Alors que j’ai beau me demander, je ne comprends pas en quoi le nihilisme de Madoka, série sur l’impossibilité de faire quoique ce soit avec ou sans magie sinon mourir ou être ignorée, dans une société qui de toutes façons mérite de disparaître, qui culmine dans le sacrifice du personnage éponyme pour un résultat qui n’améliore la vie de personne, serait l’évolution directe de l’héritage des studios Pierrot. C’est la pulvérisation, la destruction du genre. Et c’est très bien, hein. Il y a bien plus de choses à en dire de cette façon, et si je devais ne prendre qu’un anime sur les deux, je choisirais probablement le second. Ce début de radicalité porte la série, et marcherait davantage encore sans toutes les concessions 2chan indissociables. Mais qu’on ne nous explique pas que ça redéfinirait le logiciel des magical girls : ça oublie surtout, sans qu’on sache si c’est voulu ou pas, le substrat philosophique et l’objectif de ces productions, qu’on pourrait résumer basiquement par le pouvoir créatif/réparateur/protecteur des sentiments, le tout selon un prisme légèrement socialisant. La route est barricadée pour la suite. Urobuchi tente bien de caser "Amitié !" vers la fin de l’anime pour donner le change, mais celle-ci n’amène guère plus qu’un monde aussi mauvais que le précédent, privant l’anime de morale intelligible. Ses digressions sur tel ou tel personnage historique qui aurait été puella magi plantent le dernier clou sur le cercueil de la magical girl à l’état chimiquement pur, une fillette ordinaire connaissant une phase d’apprentissage des règles tacites de son environnement par la magie, mais vouée à perdre ses pouvoirs à l’instant où sa sensibilité prendra la relève. En réalité, Madoka triche en déconstruisant des références issues des années 90 et 2000, références déjà éloignées en leur temps du propos initial de cette catégorie d’anime.
Ça a plu car ça avait tout ce que le public du moment demandait, un habillage magical girl, des filles mignonnes qui se font des câlins et parlent amitié et des combats épiques (enfin à l'époque, aujourd'hui c'est un peu moins classe).
Je ne suis pas persuadé que du magical girl otaku était ce que le public du moment demandait. Du moins l’ignorait-il lui-même. Pretty Cure était destinée aux écolières et le demeure, la présence de fans plus âgés derrière leur écran relevant davantage de l’épiphénomène accidentel que du plan concerté. Nanoha en revanche n’est faite que pour eux. En cela elle entame grandement la nouveauté arborée par Madoka et revendiquée par ses adorateurs. Elle trace ni plus ni moins que les contours de son audience future. Imaginons un instant que la franchise Nanoha n’ait jamais existé au préalable, et que Madoka ait vu le jour telle quelle en 2011 : la série de Shaft aurait été considérée à la quasi-unanimité comme révolutionnaire. Là encore indépendamment du critère qualitatif. Que les deux séries partagent le même réalisateur, ou plutôt, que deux équipes distinctes aient fait appel au même Shinbo, renforce la filiation.
Ça joue sur la sympathie qu'on a pour le genre avant de nous envoyer dans la gueule un truc bien plus moderne. Tu baisses ta garde puis paf, premier jab dans la gueule, et à partir de là la série t'enchaine jusqu'au KO Technique dans l'épisode 10. Je suis persuadé que le décalage entre ce que la série prétend vouloir être et ce qu'elle est est un de ses gros point fort pour se vendre, au contraire de son modèle Bokurano qui dès le début ne fait pas le moindre mystère sur le fait qu'il n'est un manga de robot qu'en apparence et que les héros ne sont là que pour mourir.
Cette idée selon laquelle Madoka aurait dissimulé ce qu’elle était vraiment est, pour moi, très largement surjouée par le fandom. C’est sans doute ce que l’on dira à propos de la série le jour du grand inventaire, mais cette simplification là lui fait beaucoup d’honneur. Sans entrer dans les détails du staff qui sont un élément en quelque sorte hors-sol, auquel le spectateur n’est pas supposé s’intéresser, les décors neo-gothiques, le design de Kyubey, le générique de fin de l’anime augurent dès le départ de la permutation tonale qui procèdera quelques semaines plus tard. Par conséquent l’effet de surprise, dans son ampleur escomptée, a uniquement fonctionné sur un public de touristes occasionnels, lequel n’était paradoxalement pas visé par Shaft et a le plus souvent grimpé dans le wagon ultérieurement ; l’anime-fan moyen lui a consenti à forcer l’impact, solidarité avec l’industrie oblige, mais il sortait à ce moment de plusieurs productions déconstructionnistes (Evangelion, Narutaru/Bokurano) ou subversives (Nanoha) qui l’ont immanquablement conduit à repérer certains signes à des kilomètres. Je reconnais malgré tout l’efficacité exemplaire dudit épisode – la série ne pourra pas faire autrement que de perdre en intensité après celui-là, avant de connaître un dernier rebond dans son segment flashback/explicatif – mais je crois que mise en scène et direction artistique font bien plus pour la séquence en question que le choc d’une supposée cessation de formule.