Le film suit une structure exactement similaire à celle de la série TV, d'abord une introduction gentille et idéalisée où le spectateur sent que quelque chose ne va pas, les épisodes 1 à 3 et le premier acte, ensuite une plongée progressive dans ce qui ne va pas avec révélation progressive de l'ampleur de la chose, les épisodes 4 à 9 et l'acte 2, une grosse révélation suivi d'une grosse bataille, les épisodes 10-11 et l'acte 3 avec la transformation d'Homura et son acceptation de cet état de fait, puis enfin la recréation du monde et ses conséquences, le final et l'épisode 12. C'est exactement la même chose, le contexte et le point de vue ont changés et tout, mais narrativement parlant c'est exactement la même histoire.
Et je crois que c'est là le principal problème de ce film. Sous des dehors ambitieux et provocateur, il est en réalité incroyablement conformiste et se contente de donner aux fans ce qu'ils veulent. Pas la moindre prise de risque, rien, juste l'objectif de plaire aux fans pour s'assurer qu'ils retournent voir le film plusieurs fois, et achètent le blu-ray, et les produits dérivés...
C'est le plus gros défaut du film, dès ses intentions il est déjà en partie vicié.
A l'image de ce qu'on peut voir chez
Nanoha, tout semble pensé pour donner au fan ce qu'il veut. Le film surprend, voir choc au premier abord, mais en réalité ne s'éloigne pas du sentier balisé par la première série, et en plus il réalise tous les fantasmes du fandom. Dans le fond même les surprises étaient attendues, on savait qu'à un moment il y aurait un plot twist énorme qu'on attendait pas.
Plus de séquences avec Madoka et Homura ensemble, Mami et Kyôko officialisées comme couple, la sorcière Charlotte, devenu un mème sur internet, devient le familier de Mami, puis une 6e
magical girl qui ne sert strictement à rien, si ce n'est transmettre des information que Sayaka aurait pu donner de toute façon. Le film cites aussi énormément la série TV, et ce de façon souvent assez gratuite, façon "les vrais sauront reconnaitre".
Pourtant il y a de bien bonnes choses dedans.
Visuellement il est irréprochable. Le
charadesign revu corrige le principal problème de la série à ce niveau en faisant en sorte que les visages ne semblent plus constamment hors-modèles, c'est probablement ce que Kara mentionne en disant qu'il est "plus grand public", et contribue à donner un vrai rendu de film ciné au film. Ensuite l'animation est au top, les combats sont dantesques et les effets somptueux (merci Hashimoto de t'occuper à toi seul de 50% des FX de folie de la prod actuelle). Mention spéciale à celui entre Homura et Mami, qui si il en fait milles fois trop est quand même vraiment impressionnant.
J'aime bien aussi la première moitié du film, les arcs 1 et 2. Le premier arc arrive vraiment à déstabiliser le spectateur qui attendait le contexte de la fin de la série. Tout ne va pas et les personnages agissent comme si c'était normal. Forcément au revisionage ça s'atténue, mais au cinéma j'était fou devant tant d'absurdité. Pour le coup Urobuchi a vraiment réussi son coup. Le second arc et le mystère du labyrinthe de la sorcière est bien construit aussi, la progression de la réflexion du spectateur jusqu'à la révélation finale fonctionne super. D'autant que cette partie est aussi celle qui donne un bon rôle à Kyôko et Sayaka, comme pour compenser ce à quoi elle sont servies dans les série TV.
Mais après ça le film retombe dans les pires travers de la série TV. Deux ex machina et plot devices à gogo ("
alors on a construit une barrière impénétrable, mais elle est pénétrable dans un sens quand même, mais elle reste impénétrable hein"), réinterprétation ouverte de ses propres concepts comme ça arrange le récit (mention spéciale au "
ce n'était pas le désespoir qui souillait ma soul gem
, mais l'amour" d'Homura à la fin). A partir de ce moment là le film part complètement en sucette sans espoir d'être sauvé, c'est le twist pour le twist, la révélation choc pour le plaisir de la révélation choc.
Voila en gros ce qui représente le mieux mon état d'esprit devant la fin, quand Homura explique ce qui se passe à Kyubey :
Fuck. This. Shit.Pourtant, pourtant, le
twist final n'est pas si mal trouvé. Déjà dans la série il était évident qu'Homura avait déjà craqué et que même la fin de sa quête désepérée ne la sauverait pas. Ce qui est assez ironique vu qu'elle dit elle même à Madoka "
ne confonds pas gratitude et responsabilité" quand cette dernière veut sauver Sayaka à tout prix. Donc cette déchéance ne sort pas de nul part, elle n'est pas hors sujet ou artificielle pour autant. Je salue la chose.
Il y a aussi le motif intéressant du vœux égoïste d'Homura pour sauver une personne contre celui désintéressé de Madoka pour sauver toutes les
magical girls. Homura et Madoka étaient déjà des figures opposées dans la série, la première était la protagoniste active mais impuissante à changer la situation quand la seconde était l'héroïne passive mais qui résolvait tout en une action. L'épisode 10 mettait bien en parallèles leurs évolutions respectives au fils des itérations de l'histoire.
Je salue aussi la conclusion qui montre déjà qu'Homura a perdu, que quoi qu'il arrive Madoka va se souvenir de ce qu'elle était. Que tout ça n'a servie à rien, ou pas grand chose. Amère victoire.
Ce qui nous amène donc à la fameuse hypothétique suite,
déjà quasiment officialisée par Urobuchi lui-même.
Pour moi nul doute qu'elle se fera, car Homura est la véritable héroïne de cette histoire. La série TV est l'histoire de son émergence, le film celle de sa chute, le chapitre suivant est donc logiquement son salut.
D'autant plus que l'épilogue permettrait de se lancer directement en plein dans le récit et donc d'économiser du temps d'écran.
Mais le fait que dès ce film Urobuchi pose l'idée que tout ne pourrait avoir été d'un rêve me fait dire que quoi qu'il arrive, cette suite est déjà corrompue. En posant déjà cette issue de secours lui permettant un twist digne de la saison 9 de
Dallas urobuchi sape toute possible crédibilité vu qu'à tout moment il peut sortir l'excuse du rêve pour faire n'importe quoi. Dommage...