De mon point de vue de traducteur/adaptateur semi-professionnel (je suis trad à temps partiel), le fansub comporte deux gros problèmes, et pas seulement au niveau des fansub d'Anime.
1/ le manque de rigueur
Ce point est discuté de A à Z dans les pages précédentes. Il couvre bien évidemment les coquilles qui jonchent les fansubs. Il y a dix ans, je pensais être bon en orthographe et de fait, je n'étais pas mauvais. Mais en bossant pour des boîtes pro comme Titra Films et TVS, je me suis pris une énorme baffe !
Les traducteurs/adaptateurs professionnels sont autrement plus calés en français, mais à point que les internautes ne peuvent même pas imaginer. Parmi les premières choses que j'ai réalisé en faisant du sous-titrage pro, c'est que j'avais énormément appris, non pas en japonais, mais en français ! Oui, au contact de ces gens, j'avais appris énormément de choses en français, langue que je croyais maîtriser !
Il y a aussi ensuite un manque de rigueur au niveau technique, mais là je pense qu'il s'agit plus d'une question de "politique" et de liberté qu'une question de rigueur. En effet, le sous-titrage professionnel impose des règles beaucoup plus draconiennes que le fansub, en ce qui concerne la lisibilité des sous-titres, du découpage des sous-titres, du nombre de... Non, non. J'avais promis à Merlin que ça ferait l'objet d'un article pour Mata-Web, je ne vais donc pas tout déballer ici, sinon, je vais tout gâcher. Je me contenterai de dire que le fansub peut se permettre des libertés qui sont techniquement impossibles pour le sous-titrage pro, et en ce sens il m'arrive d'envier les fansubber, voire l'époque où je faisais moi-même du fansub.
2/ le manque d'adaptation.
C'est à mon sens le plus gros problème.
J'ai cru remarquer que beaucoup trop de fansubs restent trop proche du phrasé et du sens littéral original. C'est à dire que la traduction est effectivement fidèle à ce qui est dit en VO, mais en VF/VOSTF, la phrase en elle-même perd en cohérence.
Concrètement, ça peut être des cas où la phrase est grammaticalement mal tournée (l'ordre des propositions est identique à l'ordre japonais, alors qu'en français, cela devrait être inversé) ; tel mot est traduit correctement, mais de façon trop textuelle, alors qu'en français, un autre mot d'un sens voisin aurait été plus approprié. Ce n'est pas que la traduction est fausse, mais que le choix des mots est parfois mal adapté. Et parfois, il faut même savoir s'éloigner du sens littéral d'origine pour trouver une traduction qui collera au plus près à l'esprit de la phrase d'origine. Euh... Vous suivez ? Je ne sais pas si je suis parvenu à me faire comprendre...
En gros, pour faire simple, ce problème vient du fait que les fansubbers cherchent à coller le plus fidèlement possible à la langue originale, au détriment d'une adaptation plus cohérente dans la langue de destination.
Or, pour faire une traduction (professionnelle) de qualité, il ne suffit pas de comprendre parfaitement la langue d'origine : il faut parvenir à restituer cela de la manière la plus fidèle et surtout, la plus naturelle qui soit dans la langue de destination. Or, certaines traductions, si elles sont exacte au niveau sens, donnent des phrases qui ne sonnent pas naturelles en français.
Il m'a fallu beaucoup d'années pour me rendre compte de l'importance de l'adaptation. Au début, j'avais pensé que l'adaptation consistait à produire une traduction la plus fidèle possible
en dépit des règles draconiennes imposées par la trad pro. C'est à dire que vous n'avez que 40 caractères pour traduire une phrase qui, pour être bien traduite, devrait en faire 60. Sauf que vous n'avez que 40 caractères et qu'il faut "adapter" pour qu'une trad rentre dans la limite impartie. Bref, j'avais cru dans un premier temps que le boulot d'adaptateur consistait à trouver des alternatives aux traductions littérales pour les faire entrer dans les limites techniques imposées par le sous-titrage pro.
Sauf que non, ce n'est pas ça ! Il faut vraiment pouvoir restituer en bon français, non seulement le sens, mais aussi l'esprit de la phrase d'origine. Ce qui est important, ce n'est pas de comprendre la phrase en japonais, mais de pouvoir la restituer dans un français clair et limpide. Sinon vous avez beau avoir bac +16 en japonais, vous ne valez pas un clou en tant que traducteur/adaptateur.
Hélas pour moi, sur les neuf ans de sous-titrage pro pratiqués, je dirai que ce n'est qu'avec Gundam Unicorn que j'arrive enfin à produire des traductions de grande qualité. Le reste, je dois le reconnaître, c'est de la merde. Bon, peut-être pas tout, mais il y a beaucoup de merdes dans le tas.
Et encore ! Si je m'en suis rendu compte, c'est en faisant les corrections pour la saison 2 de Gundam 00 : le fait de corriger les erreurs d'autres traducteurs permet de mieux mettre en lumière ses propres carences et ses propres défauts. C'est dommage que je ne m'en sois pas rendu compte plus tôt.
En même temps... certains éditeurs imposent des délais de ouf qui vous empêchent de vous creuser la tête pour livrer des traductions de qualité. Mais ça sonne comme une justification qui ne saurait excuser mes carences, et par ailleurs, c'est une autre histoire... qu'on pourrait "presque" relier au fast-sub.