Hop, comme je passe pas souvent dans le coin, pavé inc.
Si je vous dis qu'il est un homme, la trentaine, playboy milliardaire le jour/justicier la nuit, qu'il affectionne le lycra et les capes, qu'il sert la justice a coup de poings dans les gencives, qu'il a des contacts dans la police, qu'au fond il n'est qu'un humain doté de gadget couteux qui lui permettent de toujours s'en sortir, que son sens du flair ferait envie à
Sherlock Holmes, que New York avait bien besoin d'un
vigilante de plus, que son job de conducteur de taxi est bien utile pour chopper des infos, que son passé de mercenaire lui joue parfois des tours et que son esprit est complètement dérangé euh attendez what ?
Moon KnightCréé au milieu des années 70 par
Doug Moench et
Don Perlin,
Moon knight est un plus ou moins (anti-)héros de chez Marvel, pas forcément le plus connu, et ça c'est bien dommage. Sa première apparition est en tant qu'antagoniste d'un personne appelé Jack Russel, loup-garou de son état, et donc le chevalier de la lune va évidemment le mettre à mal. Ou pas, car dès ses débuts, on sent qu'il est assez spécial.
Par le pouvoir de la lune ~!Qu'est ce qui le met à part, me demanderez vous ? Eh bien déjà le fait qu'il possède effectivement 4 personnalités, qui interagissent plus ou moins avec son environnement. Tout d'abord Marc Spector : le mercenaire qui a tout vu, tout fait et est un vrai dur à cuir, ensuite Jake Lockley : conducteur de taxi New-Yorkais habitué au sale temps et aux clients chiants, puis Steven Grant : le playboy milliardaire qui dépense son fric en gala et soirée de charités, et enfin Moon Knight : justicier de la nuit.
En sus, le comic possède évidemment toute une ribambelle de personnage qui s'est étoffée au court du temps : Marlène Alraune qui combine assistante, petite amie, demoiselle en péril et distributrice de genoux dans les testicules ; Jean-Marc Duchamp dit Frenchie, ancien compagnon de Marc Spector durant ses années de mercenaire et pilote émérite d'hélicoptères ; Bertrand Crawley, sdf pouilleux des bas quartiers de New-York ; Gena Landers, serveuse d'un petit café miteux (ainsi que ses deux fils Ray et Ricky) ; Samuel, le fidèle majordome et Nedda la cuisinière.
Zee Origin Story.Si les débuts sont assez hésitants, avec beaucoup de tâtonnement sur ses armes, son apparence, son background, c'est vraiment avec sa première série titre et l'incroyable talent (et je pèse mes mots) de
Bill Sienkiewicz que le personnage explose. Son "origin story" se trouve dans une résurrection, au milieu du désert égyptien, lié au dieu
Khonsou, dieu tutélaire de la lune et du voyage (ainsi que l'apparition de ses premiers alliés Marlène et Frenchie, ainsi que sa némésis Bushman). De la, et si la première série garde durant ses premiers numéros un style assez simple et coloré, les deux auteurs (
Doug Moench restant, dieu merci, au scénario) vont aller progressivement vers quelque chose de vraiment différent des justicier urbains usuels style
Spider-man ou
Daredevil. Même si le coté multiple identités est plus un gimmick efficace qu'autre chose au début, la série part assez rapidement dans le fantastique, le mysticisme, le surréalisme voir tout simplement l'étrange le plus total, en cela aidé par des ennemis assez hauts en couleur (spécialement Morpheus) qui cimentent une ambiance relativement unique et permettent au personnage de vite se débarrasser de son cachet "clone de Batman", avec des histoire régulièrement poignantes voir mélancoliques (surtout autour de Marlène et de Scarlet, une femme déchue qui fera tourner la tête de notre héros).
Feast your eyes upon the talent of Bill SienkiewiczAprès bien sur, la série a aussi ce petit charme suranné des années 80, avec une galerie de super vilains pas toujours très intéressante mais assurant la quote part de fun, son plot assez répétitif et ses thèmes ancrés dans l'époque, mais le tout donne un résultat très agréable et loin d'être dénué d'intérêt.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin.
Après 38 numéros de bons et loyaux services, la série est annulée fin 84 avant d'être reprise par une foultitude d'auteurs au fil des ans.
A la fin des années 80, une série annulée au bout de six numéros et surtitrée
Fist of Konshu voit le jour. Rien que ça devrait suffire à vous dire que c'est naze, même si l'idée de départ est pas idiote, en faisant de Moon Knight/Steven Grant un globe-trotteur. Durant toutes les années 90, il y a ensuite le plus long run numéroté de Moon Knight, intitulé
Marc Spector Moon Knight qui voit donc le mercenaire mis en avant.
Bien qu'ayant duré 60 numéros, cette série souffre, selon moi, des deux tares des comics américains Marvel/DC : la prolifération des évènements cross-histoires et la multiplication des auteurs. plus les numéros avancent et plus il est pénible de suivre ce qu'il se passe, et plus les numéros avancent et plus les scénaristes changent, chacun avec leur vision du personnage et son évolution, ce qui fait qu'au final rien ne tient vraiment la route.
De nombreuses idées, loin d'être inintéressantes, sont balayés trois numéros après parce que lolnop, des personnages font des 180° de personnalité comme ça easy peasy et quelque part on est vraiment face à un simple "super héros justicier en ville", sans aucune plus-value. Bon, c'est pas aidé aussi par un dernier arc tout simplement débile (ou y'a une réincarnation du dieu Seth qui se transforme en virus informatique pour tuer Marc Spector #années90), illustrée par
Stephen Platt en plus je vous laisse imaginer l'horreur.
Fin 90, retour aux sources avec deux mini histoires scénarisées par
Doug Moench, dont ce sera le dernier baroud sur le personnage (et dans sa carrière de scénariste de comics aussi j'ai l'impression). Un vrai bol d'air frais après tout ce caca, qui revient aux questions d’identités, aux personnages annexes oubliés et au mystique.
Zee modern timez.Après quelques années d'absence, il faudra attendre 2006 pour que Moon Knight revienne, et les années 2000 étant passé par la, c'est maintenant un super-gritty-badass Moon Knight, qui ferait même trembler le Punisher.
Pas content è_éEst ce que ça le rend plus intéressant ? Rien n'est moins sur, mais la publication de ce troisième volume a de sérieuses répercussions, que ce soit sur l'histoire de Marc Spector, certains changement dans son entourage plus ou moins bien vu. C'est aussi le moment ou les relations entre Marc Spector et ses amis s'affaissent complètement, avec le thème vite surexploité du "t'es insupportable, je te lâche". Pas ma partie préférée, mais avec un peu plus de matière que les années 90. Les bonnes idées se situant surtout sur le coté ouvertement frappadingue du héros et sa relation avec son dieu.
Vient ensuite
Vengeance of the Moon Knight par
Gregg Hurwitz, qui, en dix numéros, ramène le personnage a de vraies relations et resitue l'action correctement, bien qu'en beaucoup plus moderne, avec cascades à tout va et super gadgets de partout. Un détour par des events Marvel (Shadowland), avant que la boite décide de prendre le taré par la camisole et assigne le grand
Brian Michael Bendis sur le personnage. A partir d'ici, les troubles de l'identité font partit de l'adn du personnage et il s'en donne à coeur joie, alors que Moon Knight se retrouve à Los Angeles, épaulé par Captain America, Wolverine et Spider-man. Ou pas ?
Bien que le run assez court ne soit qu'un prologue à Ultron, il faut noter qu'a partir d'ici le personnage rentre dans les annales et que son modus operandi est cimenté. Moon Knight et ses personæ sont dans la place, et pour longtemps. Seconde action coup de poing pour la suite, avec ce coup ci
Warren "fucking" Ellis qui créé une nouvelle identité fabuleuse, Mr. Knight, en plus de revenir aux questions de mysticisme et au fantastique des origines. Les traces de la violence affichée au début des années 2000 ne sont pas oubliées et la suite du run, bien qu'en deçà, est fabuleuse de ce point de vue.
Declan Shalvey nous pose un Mr. Knight tout en classe.Seul regret, une absence quasi-total des anciens personnages tout du long de ses histoire post 2011, se concentrant sur Marc Spector et ses soucis mentaux. A noté aussi que Khonsou est littérament présent tout le temps et devient un vrai guide pour notre héros de blanc vêtu.
Le volume 6 de ses aventures est aussi diablement intéressant, avec ce coup ci
Jeff Lemire au scénario et
Greg Smallwood aux dessins. Non content d'être l'une de ses meilleurs histoires,
Lunatic se permet de flirter ouvertement avec la folie du personnage, de le faire évoluer, tout en proposant un récit dense, surréel, voir cryptique, avec une touche visuelle incroyable ou chaque personæ de Moon Knight a son propre style graphique. Les esprits chagrins souligneront qu'au fond ce n'est qu'une origin story, mais faite avec une telle classe et un tel panache, et amenant tellement pour le personnage qu'on ne peut que saluer la grandeur de l'oeuvre.
Tout va très bien à New York. Ou dans la tête de Spector.Puis vient le dernier run a ce jour, Moon Knight dans la collection Legacy de Marvel, qui est imho une semi déception. Le coté frappé est bien exploité, le mystique aussi, les personnages sont la, mais le justicier a disparu au profit d'autre chose, et si la première partie est intéressante avec le Sun King (sur 6 numéros), la suite est passablement moyenne. Il y a de très bonnes idées, mais l'exécution est franchement pas terrible et le coup du mini retcon sur son enfance mayday le mauvais gout. La réalité perd toute notion et c'est un peu dommage parce que le lecteur avec, la ou
Lemire avait réussi avec maestria à proposer un contenu solide qui ne se perd pas de vue,
Max Bemis gère cela extrêmement mal, si tant est qu'il ait eu envie.
En conclusion, j'ai été agréablement surpris et charmé par ce héros Marvel b-tier, possédant des atouts indéniables, des moments pas toujours très heureux, mais une capacité de développement assez phénoménal. Reste à voir ce qu'ils en feront et si l'histoire pourra rebondir sur quelque chose de plus intéressant. Pas évident parce que le personnage demande maintenant un sacré talent pour être exploité à sa juste valeur.
Et si vous voulez le best du personnage, c'est facile, tout ce qu'a fait
Doug Moench puis tout ce qui est sortit sur le personnage entre 2011 et 2017.