LA CASA LOBO
Réalisation : Cristobal Leon et Joaquin Cocina
Scénario : Cristobal Leon, Joaquin Cocina et Alejandra Moffat
Animation : Cristobal Leon et Joaquin Cocina
Mention du jury lors du festival d'Annecy 2018.
Une jeune femme, mentalement perturbée par des années de sévices, s'échappe d'une secte rurale pour se réfugier entre les murs d'une maison abandonnée. Celle-ci donne forme à ses pensées...
Pour essayer de comprendre un infime quelque chose à cet exercice sensoriel difficile mais relativement fascinant, il faut connaître la petite histoire de la Colonie Dignidad, une secte agricole germano-chilienne fondée au début des années 60 par d'anciens cadres nazis et qui s'est rendue coupable d'actes de torture sur plusieurs opposants politiques de Pinochet - avec son généreux consentement. C'est de ce fait divers sordide que s'inspire ce métrage en stop-motion cauchemardesque et poisseux, lequel renvoie également sporadiquement au conte des Trois Petits Cochons et suggère ci et là moultes brutalités déviantes allant du viol au cannibalisme, quand il ne flirte pas avec le body horror d'un Cronenberg reconstitué en papier mâché ou ne dissémine d'iconographie SS entre ses figurines chagrinées. Youpi confettis c'est la fête.
La fête aux anachorètes radicaux de l'animation en volume. Tout opaque et hostile qu'il se revendique, La Casa Lobo est essentiellement une grosse performance technique. Ici point de procédé image par image conventionnel mais une construction/déconstruction live permanente et sauvage, où les personnages se font et se défont à un niveau quasi-moléculaire, s'enlisant puis s'extirpant de leur propre matière, tels des rejets organiques. Un pandémonium au sein duquel des dessins 2D badigeonnés au crayon à même les murs de carton du décor interagissent avec les objets physiques disposés sur le plan de travail, le tout éclairé à la lumière d'un zippo de contrebande dédicacé par Charles Manson. D'une inventivité en tous points monstrueuse, de surcroît agressée par une "caméra" en pleine crise d'adolescence, la réalisation du film ferait passer le plus barré des Svankmajer pour du Hanna-Barbera TV et Throbbing Gristle pour un groupe d'eurodance en rotation sur Fun Radio.
On mentirait sûrement si on disait que La Casa Lobo est un film à ne pas manquer, tant il est compliqué à appréhender et jusqu'au-boutiste dans son esthétique glauque de transmutation en temps réel. Mais on pécherait aussi - par omission - si on ne disait pas qu'il est de cette race de films cultes en germination que des initiés redécouvriront dans trente ans, pour se l'échanger sous le manteau dans une ruelle envahie par le givre comme on partage des documents secrets sulfureux. Pour les motards hardcore.
Note diégétique : 1/5.
Note hypnotique : Inferno Cop/5.