de Yo-Dan le Mer 17 Juin 2020, 18:50
Je reviens rapidement sur le remake de Trials of Mana, après une trentaine d’heures qui ont plutôt confirmé mes bonnes impressions de départ.
La chance du jeu, c’est d’apparaître clairement comme n’ayant pas les moyens d’être ambitieux outre mesure, en plus de porter l’étiquette "remake" d’un titre de 1995, ce qui nous fait lui pardonner beaucoup de choses. Je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà dit à propos de la démo, notamment sur le plan technique, mais j’ai été soulagé de constater que les combats gagnent effectivement en épaisseur au fil des heures. Certains Boss, sans être infernaux, exigent d’être actif et concentré, avec un plan d’attaque clair. Ça reste plutôt bourrin dans l’approche, mais spammer les boutons de coups ne suffira pas. Dommage toutefois que la caméra ajoute régulièrement à la difficulté, surtout face aux ennemis capables de nous toiser depuis les airs, ces derniers étant particulièrement pénibles à cibler.
Mais globalement c’est divertissant et rythmé, malgré une poignée d’allers/retours possiblement mal sentis. La quête additionnelle est sympathique, même si elle finit par donner l’impression étrange de jouer à un Beat’em’all dans de longs couloirs. C’est certainement là qu’un effort sur la construction des environnements 3D serait appréciable, histoire d’avoir des choses intéressantes à explorer/débloquer. Je ne demande pas au jeu d’être un Zelda, mais quand même…
Mais la réflexion que ce jeu paradoxal m’a inspiré tient justement au fait qu’il est à la fois daté, reprenant notamment exactement la trame archétypale d’origine, et "modernisé" en surface, notamment via les cutscenes et les doublages. Or, les Seiken de la grande époque se vivaient comme des contes un peu naïfs, articulés par des codes à la fois symboliques et elliptiques qui exigent une mise à distance, là où cette formule 3D s’échine à montrer/expliciter/scénariser ce qui ne devrait pas l’être. Il faut à mon sens laisser ces univers dans une sorte de prolongation de notre imaginaire, encore une fois en privilégiant les symboles, faute de quoi ce qui était charmant devient grotesque. Je pourrais l’illustrer en citant des événements propres au jeu où il est difficile de ne pas ricaner, mais cela se traduit même formellement, manette en mains. Ce jeu est en effet une foire aux murs invisibles, bloquant souvent le joueur de façon absurde derrière des éléments de décor qu’il suffirait pourtant d’enjamber, si le jeu assumait le filtre "réaliste" derrière lequel il s’est refait une beauté en 2020. Les limitations d’action/exploration étaient constitutives de la façon dont les jeux étaient pensés sur 16 bits, de sorte que cela ne choquait personne : on les identifiait comme relevant de la grammaire du level design, avec des règles claires et acceptées d’emblée. Là, c’est tout de suite plus bancal parce qu’avec des perso capables de sauter et monter sur les toits dans des environnements 3D, on aura du mal à croire qu’ils doivent rebrousser chemin devant trois touffes d’herbe. J’ai conscience de m’époumoner à décrire un écueil qui ne date évidemment pas d’hier, mais c’est particulièrement criant ici. Et puis il y a quelque chose d’amusant à constater que le jeu de 95 est en soi éminemment plus cohérent que sa propre relecture.
Ce qui me fait persister et signer : les Seiken me semblent plus solubles dans des formules néo-rétro chiadées, d'autant qu'un certain Octopath Traveler a démontré qu'il y avait un public pour ça.