Croire qu'écouter Jimi Hendrix en vinyl transcende l'expérience, que regarder Ninja Scroll avec les LD d'époque plutôt que le BD-rip sur Tokyotosho apporte une vraie plus valu au film, que lire Guerre et Paix sur un kindle est intrinsèquement inférieur à sa version poche (ou reliée si vous préférez) et que jouer à Bayonetta en dématérialisé c'est pas la même chose qu'avoir le disque/la cartouche, alors oui vous donnez dans le culte de l'objet. L'œuvre est identique dans les deux suport, c'est le même morceau, le même texte, la même vidéo ou le même jeu. la seule différence concrète est bel et bien l'objet. Et lui prêter une quelconque vertu méliorative c'est du fétichisme.
Le mec qui se paye l'intégrale de Pink Floyd en restauré sur LP 180g c'est un mec qui connait le Floyd, c'est déjà un converti et il considère que son attachement à ces albums vaut bien l'investissement. Et il n'y a rien de mal à ça. Mais le gamin qui va découvrir Atom Heart Mother, que ce soit avec le CD de son daron ou juste sur youtube (sous réserve d'un encodage suffisant), aura la même expérience que si on lui passait le vinyl. Et ça n'influencera en rien sa réception de l'album. Parce que les morceaux sont strictement les mêmes, d'un coup l'écouter en vinyl ne va pas d'un coup transformer cet album très moyen en chef d'œuvre indiscutable.
Il y a une foule de raison de préférer le physique, toutes légitimes. Pour moi c'est bêtement parce que c'est moins cher. J'aurais peut-être envisagé d'acheter Breath of the Wild en démat si il coutait 40€ sur l'e-shop et 70 en physique, mais dans notre monde post-moderne où la notion de valeur a été abolie c'est l'inverse. Donc Nintendo peut se foutre ses 30€ de plus là où je le pense et la Fnac a pu empocher sa part pour me le proposer à un prix plus abordable. Et visiblement ça va être le cas pendant encore longtemps sur Switch

Mais même dire "je préfère avoir l'objet" c'est légitime. J'en sais quelque chose, je vis au milieu des livres, j'aime avoir des beaux livres, ça me parle, rien que d'avoir un beau livre dans ma bibliothèque ça me fait plaisir par le fait de l'avoir. Je suis manique des livres à un point que ça touche au TOC et j'en suis à couvrir une partie non négligeable de mes livres avec du plastique pour livres scolaires. Mais c'est aussi pour ça qu'il y a quelques années j'ai fait le choix d'une liseuse pour les roman poche que je sais que je ne relirais sans doute pas, parce que j'en ai marre d'avoir dans mon placard des cartons de poches dont je n'arrive pas à me séparer. Donc avec la liseuse ils ne prennent plus de place et je n'ai pas à les revendre/jeter. Mais je suis aussi conscient que c'est une forme de fétichisme. Et je ne confère pas au papier des propriétés mystiques sur le contenu imprimé dessus. Pas plus qu'à la dédicace qui y est inscrite.
Mais si vous avez besoin de dénigrer le dématérialisé jusqu'à la mauvaise foi pour justifier auprès de vous-même vos choix, faut vous poser quelques questions. Voila pourquoi quand je lis
Je dis que le physique > démat' en en termes de pérennité, ce qui 'est une réalité reconnue par tous les opérateurs du livre numérique par exemple.
je fais comme von Schirach et je sors mon revolver. Les personnes qui disent ça sont les mêmes qui disent que leur métier est de vendre du livre, pas du logiciel. Ils confondent l'objet et le contenu, l'œuvre. Et c'est comme ça qu'ils échoueront comme tant d'autres avant eux, parce qu'ils n'ont pas su identifier leur cœur de métier.
J'ai foi en l'avenir, je suis convaincu que dans 50 ans le .txt ou le .epub seront encore supportés d"une façon ou d'une autre, comme le .jpg ou le .png, affin que les musées d'art contemporains que sont Deviantart et Pixiv puissent rester consultables. Le .mobi par contre, je ne sais pas.
(surtout que bon, j'ai pas ouvert de Bibliothèque Rose ou Verte depuis plus de 20 ans mais de souvenir ceux que j'empruntais chez ma grand-mère étaient reliés, pas brochés. Le relié c'est fait pour durer mais en France c'est le format d'une autre époque. Mais quand j'ai voulu lire le Deuxième Sexe en empruntant les poches de ma mère j'ai vite déchanté devant les pages qui tombaient et suis allé m'acheté les deux volumes neufs pour éviter de finir avec une collection de feuillets)
Mais je ne vais pas jouer les ayatollah du dématérialisé à plus que raison, je n'y suis même pas complètement passé moi-même. Il reste énormément de problèmes à régler avant que ça arrive à maturité. A commencer par le prix, le dématérialisé ne doit pas être une excuse pour les éditeurs pour augmenter leurs marges en court-circuitant les acteurs de la fabrication et la distribution, mais bien de rendre les œuvres plus accessibles. Là dessus il y a de gros efforts à faire là dessus, aussi bien dans le jeu vidéo que le livre. Puis l'interopérabilité, le sans DRM est la seule option acceptable, sauf sur consoles qui sont des plate-formes fermées par nature. Mais les éditeurs doivent comprendre que leur contenu, quel qu'il soit, sera piraté quoi qu'il arrive. Donc inutile de lutter en plaçant des restrictions qui ne font qu'entraver l'utilisation du client qui a payé et accepter et pas celle du pirate qui aura son jeu sans payer quoi qu'il arrive.
D'autant que la vraie chance du numérique c'est d'un coté la possibilité de garder des jeux/livres/films sur le marché une fois les tirages physiques tous vendus. Qui n'a jamais cherché un jeu ou un livre quelques années après sa sortie pour le trouver soit épuisé partout, soit hors de prix chez les spéculateurs ? Le numérique permet de garder ces titres disponibles malgré tout. L'autre chance c'est celle de sortir des titres qui auraient été trop risqués autrement, genre la suite des Gyakuten Saiban chez nous.