
Japon, 1274. Toute l'île de Tsushima est occupée par les Mongols. Toute ? Non ! Un petit groupe d'irréductibles nippons résistent encore et toujours à l'envahisseur. Pour les mener, un ancien samurai appelé John Sakai laisse derrière lui le code d'honneur de son clan pour adopter des tactiques de guérilla. Bientôt il apprend à se faire craindre des Mongols comme des bandits et des traîtres, qui le surnomment "le Fantôme".
Ghost of Toshiba est né de l'esprit de Sucker Punch, studio de développement qui appartient à Sony depuis une petite dizaine d'années et dont à peu près personne n'avait quoi que se soit à branler jusqu'ici. J'avais joué à Second Son il y a quelque temps et les pouvoirs étaient certes marrants à utiliser mais le jeu dans sa globalité était aussi marquant que le carton qui emballe le McChicken que j'ai mangé à midi parce qu'il avaient plus de Royal Cheese. Avec Ghost of Sashimi le studio entend passer aux choses sérieuses et entrer dans la cour des grands comme quelques autres équipes de chez Sony. Y sont-ils parvenus ? Pour ma part je dirais oui.
Ce que l'on remarque assez rapidement dans ce jeu c'est son sens de l'esthétique. Bien qu'enrobé de factualité historique, le monde proposé ici est très stylisé et n'a aucune prétention réaliste. D'une certain manière c'est encore plus impressionnant que s'il s'agissait d'un monde purement fantastique on l'on peut inventer n'importe quoi ; on reste dans un univers plausible mais aussi invraisemblablement beau, comme si le monde entier était devenu un jardin botanique soigneusement entretenu par des centaines de paysagistes. Les designers sont partis d'une base concrète et ont poussé les curseurs du style au maximum, sans jamais vraiment verser dans l'outrancier.
Parcourir l'île est la principale activité du jeu et de loin, et l'absence de mini-carte, de curseur ou de boussole tend à encourager l'exploration libre, même si la carte n'est pas suffisamment dense pour rendre cela réellement gratifiant comme ça peut l'être dans Red Dead Redemption ou Zelda BotW. Dans ces jeux il suffit de faire quelques mètres pour tomber sur quelque chose d'intéressant, tandis que Ghost of Sotshima tu peux parcourir les vastes espaces pendant un bon moment sans qu'il ne se passe quoi que ce soit. Pareillement, le jeu ne propose pas les outils pour créer son propre intérêt, il ne s'agit pas d'un bac à sable comme c'est la norme actuelle. Dans un jeu comme GTA ou Watch Dogs si tu t'ennuies tu peux sortir ton arme et buter des PNJ pour créer le chaos et essayer de t'en sortir ensuite. Il n'y a rien de tel dans Ghost of Chushima, le jeu délimite strictement les espaces d'action et de contemplation, ressortant un modèle de game-design datant d'au moins deux générations en arrière.
Le système de combat propose deux axes majeurs ; sortir le katana et y aller franchement ou utiliser les nombreux gadgets pour disposer des ennemis de manière moins orthodoxe. L'aspect infiltration et combat à distance n'est pas très stimulant, en revanche le corps-à-corps est une franche réussite. Pour donner une idée de ce dont il s'agit précisément, il faut imaginer ce que serait devenu le système de combat de Assassin's Creed II s'il avait poursuivi son évolution naturelle au lieu de devenir la soupe de hitboxes que sont les jeux récents de cette série. Ghost of Tamushi fait la part belle aux animations : fluides mais précises, brutales mais élégantes, c'est simplement plaisant de contrôler John Sakai et de donner du sabre contre tout ce qui passe. Pour varier les plaisirs le jeu propose un système de postures similaire à celui de Nioh mais en bien moins réussi ; il ne s'agit pas de changer de posture en fonction du style de jeu mais en fonction du style d'ennemis, ce qui transforme les combats en un jeu de pierre-feuille-ciseaux qui bride la créativité du joueur. Sans doute la plus grosse faute du jeu selon moi, ils étaient à deux doigts de toucher le brillant mais sont partis dans une mauvaise direction au dernier moment.
Les activités auxquelles John Sakai peut prendre part sont peu nombreuses mais leur simplicité pousse le joueur à les accomplir quand même. Les quêtes scénarisées et le nettoyage de camps ennemis constitue bien sûr le gros du contenu, mais les distractions annexes sont plus amusantes ; qu'il s'agisse de composer des poèmes 5-7-5 en s'inspirant du panorama, de s'entraîner au katas en coupant des bambous ou encore en cherchant des sanctuaires, lesquels sont posés au beau milieu de la carte mais toute de même très difficiles à trouver sans être guidé par un renard ; peut-être une des plus flagrantes applications du principe "hidden in plain sight" que j'ai pu voir dans un jeu de ce genre.
Sucker Punch se donne avec Ghost of Tshumisha des ambitions cinématiques, au point de citer ouvertement Akira Kurosawa avec la possibilité de jouer avec un filtre noir et blanc altère également l'audio pour singer les films des années 50. Autant dire tout de suite qu'il y a plus de cinématographie dans une demi-minute de Kurosawa que dans tout ce que Ghost of Tmushima peut tenter de faire, mais je trouve que Sucker Punch a assez bien intégré le genre et notamment sa capacité à impliquer beaucoup sans en dire trop. L'histoire est simple, la narration l'est tout autant, et malgré le contexte de guerre ouverte et de crimes omniprésent les personnages restent toujours dans une retenue et une prestance qui les rend charismatiques. Il convient bien sûr de faire le jeu avec les voix japonaises pour profiter des prestations de Kazuya Nakai (♥) dans le rôle de John Sakai et de Akio Otsuka (❤) dans celui du Seigneur Shimura.
Après avoir raflé environ quatre millions de joueurs en un mois et le plus haut score utilisateur Metacrtic pour cette génération, Ghost of Chuchima s'en vient proposer un mode multijoueur sorti du chapeau du studio, dont on se méfie de l'intérêt mais soumis à un prix modique (0,00€ pour ceux qui ont acheté le jeu) qui invite à l'essai.