de Gemini le Sam 04 Nov 2017, 00:46
Murder on the Orient Express : Nouvelle adaptation du classique d'Agatha Christie, cette fois signée Kenneth Branagh. Avec dans les rôles principaux Kenneth Branagh, Johnny Depp, Penélope Cruz, Michelle Pfeiffer, Willem Dafoe, et Judie Dench.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais revenir quelques instants sur une des précédentes adaptations du roman, à savoir celle de Sidney Lumet. Il ne s'agit clairement pas du travail le plus inspiré de son réalisateur, mais outre la qualité de l'histoire, le film repose sur deux atouts majeurs : un casting 5 étoiles rarement égalé - Lauren Bacall, Ingrid Bergman, Martin Balsam, Sean Connery, Jean-Pierre Cassel, Anthony Perkins, ou encore Jacqueline Bisset - et rétrospectivement d'avoir été tourné à une époque où les CGI n'existaient pas encore.
La version de Kenneth Branagh propose elle-aussi une collection d'acteurs largement au-dessus de la moyenne, même si je regretterai personnellement que le personnage de Pierre ne soit pas interprété par un Français. Pour rester sur les comédiens, Johnny Depp et Kenneth Branagh surjouent complètement ; ce qui pour ce-dernier fonctionne bien puisqu'il incarne un Hercule Poirot fantasque, excessif, finalement raccord avec la haute idée qu'il se fait de lui-même. Par contre, il m'a fait beaucoup rire malgré lui.
Entendons-nous bien : je n'ai jamais lu les romans d'Agatha Christie en VO, et j'ai découvert les long-métrages tirés des aventures de Hercule Poirot très jeune, donc en Français. La seule adaptation étrangère que j'ai regardé dans sa langue d'origine, c'est l'excellente - quoique fortement édulcorée - série d'animation japonaise reprenant aussi les enquêtes de l'autre personnage phare de la romancière. Bref. J'ignore comment le célèbre détective belge est censé s'exprimer dans la langue de Shakespeare, mais dans ce long-métrage, il m'a fortement rappelé Gambit dans X-Men : parsemant ses phrases de mots en Français comme pour nous signaler à chaque instant être étranger, répondant parfois en Anglais à une question en Français et inversement, et s'adressant même en Anglais à un personnage clairement francophone ou le contraire. Je comprends le procédé, je comprends qu'il ne doit prononcer en Français que des mots basiques pour que les spectateurs puissent les saisir - alors que ce sont aussi les premiers que n'importe quel étranger apprendra en Anglais - mais pour vivre en Albion depuis plusieurs années, cela me choque un tantinet. D'autant que notre ami belge possède ici un accent français outrageusement prononcé, et que je n'y ai pas cru une seule seconde quand il s'exprime dans sa langue supposément maternelle. Là où le personnage de Pierre est clairement francophone.
Kenneth Branagh part avec un sérieux handicap : raconter une enquête policière dont nous pouvons tabler que 90% des spectateurs - à plus forte raison en Angleterre - connaissent la résolution. Entre le roman et les moult adaptations, notamment avec David Suchet, il s'agit certainement d'une des histoires les plus connues de son auteure, voire la plus connue. En tout cas la conclusion reste une des plus mémorables. A tel point que les affiches du film avec marqué "qui est le coupable" m'ont fait gentiment sourire. Ne faisons pas durer le suspens plus longtemps : pari réussi. Kenneth Branagh arrive parfaitement à poser son ambiance et ses personnages, et à les faire interagir, à tel point que l'assassinat viendrait presque bouleverser cette mécanique bien huilée ; de fait, j'ai trouvé la seconde partie plus faible. La reconstitution, soignée, offre un dépaysement particulièrement agréable, lequel m'a immédiatement transporté et permis de passer un excellent moment, en particulier lors du premier acte. Si les CGI, omniprésentes, font perdre en sensation de réalisme, elles permettent en contrepartie de multiplier les mouvements de caméra impossibles (même si nous demeurons loin du Tintin de Spielberg en la matière) et de filmer le mythique train sous toutes les coutures. Meurtre ou pas, il est plaisant de se laisser emporter par les personnages et les décors joliment rétro de l'Orient Express, même si nous connaissons parfaitement la fin et que le réalisateur se montre peu inspiré dans le dernier acte (et je n'ai pas compris d'où sortaient les scènes d'action).
Si mon intérêt pour le long-métrage a progressivement diminué au fil du temps, tandis que mon oreille s'habituait à l'horrible accent de Hercule Poirot - digne de celui des chevaliers de Guy de Loimbard, mais en plus prononcé - je peux tout-de-même affirmer avoir apprécié l'expérience. Un exploit pour un film policier dont je connaissais déjà la fin.