Désolé de revenir là-dessus mais j’avais commencé à répondre… Tetho a écrit:Si Bong Joon Ho vise Monsanto avec ses histoires de cochons géants, il tire une balle dans le pied de son message politique. C'est une boite d'agrochimie et si il y a bien une montagne de truc à lui reprocher (si ce n'est pas un Himalaya), sur les histoires d'élevages industriels et de cruauté animales ils sont, par nature, non coupables.
Tu peux penser que ça dilue le message mais c'est assez clair : le film décrit une tromperie à multiples visages, qui part d'un mensonge "On va enrayer la faim dans le monde avec une race de super cochons 100 % bio qu'on a trouvée dans une lointaine forêt" quand en réalité, il s'agit de vendre de la viande transgénique. J'ai justement trouvé très malin que cette dimension existe dans le film, parce qu'elle ne nous rend pas OKJA moins attachante. Il s'agit pourtant d'une "création humaine", d'une espèce pensée et faite pour être consommée, à des fins strictement utilitaristes. Autrement dit, il s’agit d’une bête qui ne devrait pas exister. Or, c'est parfois ce qu'on me rétorque quand on cherche à prendre à défaut ma logique interne de végétarien : "Mais les espèces d'élevage, elles sont faites pour être consommées. Tu préconises donc leur extinction ?". Alors je ne répondrai pas à cette question et à ses implication philosophiques ici (
), mais il faut voir OKJA comme une charge plus globale contre un capitalisme qui ment contre une belle dose de com' et de spectacle. Ce qui se passe dans les abattoirs en est ici un puissant symbole parce que c'est typiquement ce sur quoi on aime jeter un voile, quitte à y aller de publicités débiles qui nous promettent des "happy cows". C'est même paradoxalement un argument pour les pro-corrida : "Au moins, nous, on ne triche pas et on fait face à la mort, à la souffrance".
Il n'y a à mon sens que deux seuls vrais reproches que l'on pourrait faire sur le fond à Bong Joon ho, ce qui ne veut d'ailleurs pas dire qu'il n'y aurait pas des manières intelligentes et légitimes de les contester :
- De porter un discours manichéen et extrémiste digne des animalistes les plus bas du front. Un film antispéciste, ce n'est pas sérieux.
- De baigner dans un étrange paradoxe en dégommant un monde dont OKJA, en tant que film lui aussi attaché à ses propres obligations commerciales et financières, a besoin pour exister. Quitte d'ailleurs à finir sur Netflix.
Encore une fois l'hypothèse que le film n'intéressait personne, pour des raisons diverses et avariées, est autrement plus probable qu'un complot de l'agro-alimentaire américain contre un film coréen (qui donc aurait eu une porté très limitée au USA).
Certainement oui et je n’ai pas tout à fait voulu dire qu’un "complot" avait pu être froidement planifié en amont. Mais Il y a plusieurs façons d'en venir à la conclusion qu'un film "n’intéressera personne", et le décréter "trop radical" ne procède absolument pas du même positionnement que de dire qu’il serait "trop compliqué", par exemple.
Maintenant, il est absolument certain qu'en aval de la sortie du film et du retentissement qu'il a déjà, les lobbys concernés réfléchissent à la meilleure façon de répondre. Pas frontalement bien sûr – les postures défensives sont souvent contreproductives – mais pour évoluer moi-même modestement dans un milieu lobbyiste, je sais à quel point ces choses-là sont scrutées, débattues, et font l’objet de réflexions profondes.