de VpV le Mar 21 Fév 2023, 00:26
Gemini a écrit:Seulement, ce que j'ai fini par comprendre, c'est à quel point il existe deux constantes dans son œuvre : son machisme et sa misogynie. C'est particulièrement visible dans ses histoires courtes, puisqu'il a tendance à recycler les mêmes schémas, avec des mangaka aux jambes arqués, subjugués par des femmes trop belles mais aussi trop inaccessibles, et n'hésitant pas à jouer avec leurs sentiments. Dans Queen Emeraldas, l'héroïne finit par se voir reléguer au second plan face au premier rôle masculin, tandis que le mangaka répète ad nauseam qu'elle ne pourra jamais comprendre le cœur des hommes et leur soif de liberté, car elle restera à jamais une femme. Et dans Gun Frontier, la femme n'existe que pour jouer avec Toshiro - petit bonhomme disgracieux - et briser la puissante amitié virile qu'il entretient avec Harlock.
Intéressant de confronter le rapport qu'on entretient (et qui évolue) avec une œuvre ou un auteur et la vision qu'on en a.
Je n'ai jamais beaucoup apprécié les travaux de Matsumoto (idem pour Go Nagai, pour rester dans le manga, ou pour Rintaro et Mamoru Oshii en animation), mais face à l'immensité de son œuvre et de son succès à travers le monde, j'ai continué à insister et j'ai fini par apprécier certaines singularités de son travail. En quelque sorte, il a fallu apprendre à l'aimer un peu.
Déjà, les personnages disgracieux existent et sont omniprésents chez Matsumoto : le petit gros avec la bouche en cul de poule, la vieille à lunettes avec la gueule de travers, le docteur alcoolique, etc. Ça n'a l'air de rien, mais combien d'auteurs accordent une place dans leurs œuvres aux personnages "lambda" ? Les Harlock, Maetel, Emeraldas et compagnie sont dans une autre sphère, celle des héros, au sens quasi-mythologique du terme. Par contre, ils payent leur beauté, leur noblesse, leur courage, tout ce qui font d'eux des héros, par des tourments et une solitude inexorables. Et leur sphère n'est pas tout à fait hermétique, puisqu'il se mêlent aux petites gens. Bref, d'habitude un personnage moche est soit un méchant, soit le bouffon de service. S'il est beau, c'est un gentil. En gros, c'est l'habituelle opposition héros/antihéros, avec rien entre les deux autre que de la figuration. Ce que j'ai fini par apprécier chez Matsumoto, plus que la cohérence discutable de son Leijiverse ou ses élans poétiques ou philosophiques assez factices, c'est cet univers où cohabitent l'ordinaire et le mythologique, et sa façon de le représenter.
Et d'un point de vue purement esthétique, j'ai toujours trouvé la représentation de ses héroïnes, à la silhouette vaporeuse et à l'allure presque végétale, vraiment remarquable.