de Gemini le Mar 31 Mai 2016, 13:44
Hier, j'ai décidé de me découvrir non seulement Troll 2, mais aussi Best Worst Movie, le documentaire qui lui a été consacré. En commençant par le documentaire, qui m'intéressait bien plus (je n'étais pas encore décidé à regarder le film).
Best Worst Movie suit George Hardy, qui jouait le père de famille dans Troll 2, dentiste de son état qui va découvrir – par le biais du tournage de ce documentaire – que le petit film dans lequel il avait tourné un peu par hasard a gagné au fil des années un statut d'œuvre culte. Il va enchainer les projections, aller à la rencontre des fans, et retrouver l'équipe d'alors. Sachant que le réalisateur du documentaire a lui-même tourné dans Troll 2.
Le choix de prendre George Hardy comme principal protagoniste est très intéressant, déjà car il est extérieur à l'univers du cinéma et ne connait rien du succès à retardement de son film, et car il nous est présenté comme un homme affable et rigolard, plutôt simple malgré un train de vie plus que confortable et sa proportion à consommer diverses protéines pour maintenir sa carrure d'athlète. C'est ce que nous appellerons un bon client : expansif, abordable, et toujours le sourire aux lèvres. Surtout, comme il affirme ne pas avoir eu de véritables velléités artistiques – à la différence de la plupart des autres acteurs – il semble ne rien regretter de l’expérience, et embrasser cette nouvelle aventure avec gourmandise. Néanmoins, le documentaire est bâti de manière à nous faire comprendre que tout n’est pas aussi évident, qu’il aurait effectivement aimé devenir acteur si la pression familiale ne l’avait pas poussé dans une autre voie, et nous le verrons s’accrocher comme un mort de faim à son quart d’heure de célébrité, à un point qui frise le malaise.
Si le dentiste sert de fil rouge, voire de lien entre les protagonistes, les autres ne sont pas exploités de la même façon, et cela ne dépend pas nécessairement de l’importance de leur rôle à l’époque. Le réalisateur et sa scénariste se montrent assez présents, le premier assumant difficilement cet héritage, se félicitant parfois d’avoir laissé une trace dans l’Histoire du cinéma, se désolant souvent des moqueries devant son œuvre ou de ce qu’il prend comme de l’ingratitude de ses acteurs, lorsque ceux-ci critiquent le tournage et le résultat. Ensuite, cela dépend là-encore du côté « bon client » de chacun et de leur attrait. L’actrice interprétant la mère de famille se devait d’apparaitre, mais son environnement très glauque en fait un personnage difficile à exploiter. Aussi, certains rôles pourtant mémorables n'apparaitront que sous la forme d'une silhouette, tandis que d'autres – comme le vendeur de Nilbog, soulignant l'incongruité du projet – auront droit à leur propre segment. Dommage tout-de-même qu'il manque un acteur majeur : le réalisateur du documentaire lui-même. Il aurait été étrange qu'il se mette en scène, mais en même temps, il se contente de nous expliquer qu'il rêvait de devenir un enfant-star, et qu'en voyant Troll 2 pour la première fois, il a compris que cela ne se réaliserait jamais ; à la différence des autres intervenants, nous ne saurons rien de son parcours depuis, ou comment il vit sa nouvelle notoriété.
Voir Best Worst Movie avant le film auquel il est consacré est une expérience étonnante et qui, surtout, fonctionne. Inutile de connaitre Troll 2 pour voir ce métrage qui se suffit à lui-même, à ceci près évidemment qu’il fait parfois référence à des répliques de l’œuvre d’origine. Mais il pourrait tout-à-fait s’agir d’un documenteur, parlant d’un imaginaire « pire film de tous les temps », les quelques extraits servant à crédibiliser le tout. Il s’avère suffisamment bien écrit pour être regardé et apprécié. Comme de bien entendu, il regorge d’anecdotes et de protagonistes qui manqueraient de crédibilité dans une fiction, entre des techniciens italiens qui se prennent très au sérieux malgré les énormités qu’ils arrivent à sortir, et des acteurs – la plupart vivant à Salt Lake City – dont certains tragiques ou tout simplement dérangés. Sans parler du public : nous parlons d’un film culte en raison de ses défauts, et de spectateurs nous énonçant tranquillement pouvoir le regarder plusieurs fois par semaine. Mais nous pouvons comprendre cette approche, en raison de la sincérité de l’équipe, leur envie de bien faire, et leur incapacité à y arriver. Au-delà de l’amour du nanar, il y a chez eux un amour du cinéma.
Best Worst Movie est un documentaire fortement recommandé, que vous ayez vu ou non l’original, pour peu que vous vous intéressiez au cinéma, aux communautés de fans, aux perdants magnifiques, et aux œuvres bis.
Quelques mots tout-de-même sur Troll 2, que j’ai vu après le documentaire, et après la vidéo de Karim Debbache sur le sujet. Déjà, je tiens à préciser que même mises bout-à-bout, les deux laissent suffisamment d’espaces et de non-dits pour laisser des surprises – et pas des moindres – aux spectateurs, donc c’est appréciable.
Si j’ai décidé de le regarder hier, c’est car j’avais ma sœur à la maison, et qu’il s’agit du genre d’expérience à vivre à plusieurs, afin de bien rigoler.
Ce que j’en retiens, c’est déjà que l’équipe technique semble disposer d’une relative maitrise, mais qu’ils en font n’importe quoi. Je dis cela car la photographie et certains maquillages m’ont étonné de par leur qualité, totalement inattendue vue la réputation du film. C’est très loin d’être aussi dégueulasse que d’autres productions B ou Z que j’ai pu voir par le passé. Sauf qu’en même temps, le film est bourré d’erreurs techniques, de costumes hallucinants, de trous dans le scénario, de répliques que personne n’imaginerait prononcer un jour, vous saisissez l’idée. Les personnages n’ont jamais de réaction logique, certains disparaissent comme par magie en plein milieu, et évidemment, le jeu des acteurs est catastrophique. Je ne sais pas trop qui est le pire, mais ma préférée reste peut-être la mère et ses yeux exorbités, qui parait avoir un balai dans le derrière à chaque scène ; elle arrive à faire pire que son mari, pourtant amateur. J’aime aussi beaucoup la reine des gobelins, à côté de laquelle n’importe quel acteur japonais serait un modèle de sobriété. Nous lui devons aussi la scène la plus incroyable, à base de symbole phallique et de techniciens lançant du popcorn.
L’équipe donne l’impression d’avoir envie de bien faire, mais rien ne fonctionne, rien n’est logique, cela tend au délire à l’état pur. Du grand art quoi.