VpV a écrit:Alors que The X-Files (...) chaque épisode vu, c'était quasiment du cinéma à la télé.
C'est une des qualités de la série, en particulier durant les sept premières saisons où l'essentiel des histoires est tourné en dehors des studios - un gros effort. Là où chaque épisode d'un
Stargate SG-1 ou d'un
Castle, par exemple, ressemble esthétiquement à un autre, dans
X-Files, semaine après semaine, les lieux, la couleur, la photographie changeaient pour composer une variété visuelle inédite à la télévision. Même les mauvais segments parmi les 202 du run original ont leur touche, leur singularité. Je peux identifier à peu près n'importe quel épisode de série 1013 en dix secondes, ce que je ne saurais pas faire pour les autres. Ca n'existe plus vraiment, à part occasionnellement dans les anthologies actuelles type
Black Mirror.
Mon chouchou des films TOS, c'est variable. Il y a quelques années j'aurais dit le deuxième, de par son ampleur, mais là maintenant je pencherais plutôt pour
ST VI Terre Inconnue, qui pour moi ressemble vraiment à un épisode de
Star Trek transposé sur grand écran. Plus de moyens mais on conserve le caractère plus reserré de la télé, bel équilibre.
Pas trop besoin de HD pour
The Shield, c'est filmé en 16mm avec une image volontairement bien granuleuse. Elle a été convertie 4K pour être plus facilement achetable par les plateformes de streaming aux USA, mais c'est complètement optionnel tant à l'origine le but est de lui conférer une rugosité et une spontanéité - d'ailleurs les tournages étaient non déclarés pendant les deux premières saisons, donc les figurants dans la rue ne sont
pas des figurants. Les épisodes, les saisons sont très réussis pris indépendamment, mais c'est une série dont la somme des parties est meilleure encore : arrivé à la fin, tu comprends que ce que tu prenais au départ pour un cop show
hard boiled était en fait une vraie tragédie shakespearienne autour du thème intemporel de la loyauté. Brillant est en deça de la réalité, bien que la série n'ait jamais connu la moitié des lauriers médiatiques auxquels ont eu droit
Les Soprano, The Wire ou
Breaking Bad.
Tout le monde te dira que
Fringe s'améliore à partir de la deuxième année. Moi je pense exactement le contraire. La première année est de loin la plus regardable ; c'est répétitif, chiant, scientifiquement bidon, dénué d'épaisseur, mais il faut reconnaître que c'est léger en pathos, de même que l'on note certaines velléités radicales (un peu de gore, une froideur presque clinique) qui peuvent susciter un mince attrait. Ce sont les vagues survivances d'un
Altered States et d'un
Brainstorm, sans le dixième de leur contenu post-seventies, LSD et expérimental. Dès la deuxième saison plus rien à grailler, plus d'honneur, ça vire au Kurtzman/Goldsman
Alias pur jus : soap à gogo, personnages de tyrans réhabilités, passés larmoyants, histoires d'Elus TGCM et consorts.
Mais le principal souci de la série, comme d'autres avant elle, est qu'elle n'a juste strictement rien à dire. L'histoire n'est porteuse d'aucune signification, ne contient pas de vision du monde, et se contente d'imposer des péripéties qui en appellent d'autres. Ses auteurs (la fine équipe qui a bousillé
Star Trek à partir de 2009) croient que l'objet premier d'une "mythologie" est d'être cohérente et mécanique, de mettre ses personnages à l'épreuve, plutôt que d'offrir un fond qui surpasse la seule nécessité diégétique ; alors que
X-Files modifiait la fiction TV en suggérant qu'à compter d'aujourd'hui
l'ennemi est à l'intérieur,
Fringe n'est qu'un banal récit de conflit entre des univers parallèles gentils ou méchants, une ôde au bavardage bourrée de fric et qui se fait passer pour une série prestige parce qu'elle a débauché deux acteurs chez HBO. Que cette production, malgré des audiences médiocres, ait été soutenue cinq ans par la FOX, cette même FOX qui a annulé
Space : Above And Beyond, MillenniuM ou
Firefly, constitue le seul mystère fascinant à son propos.
Aer > même quand la série a perdu tout son lustre et toute sa subtilité au début de la neuvième saison, elle continuait de proposer une poignée de fulgurances. Je repense ici à cet épisode très mauvais qu'est
TrustNo1, raté en tout point mais rétrospectivement assez étonnant. Dans ce segment, on nous dit qu'un agent de la NSA surveille (caméra, téléphone sur écoute) l'appartement de Scully, et des centaines d'autres, depuis près d'une décennie. Je me souviens *parfaitement* que les fans avaient trouvé cette idée complètement ridicule. La très brève conversation entre les personnages impliqués est pourtant prémonitoire :
- En clair, je sais absolument tout de vous.
- Vous avez déjà entendu parler d'un texte appelé Constitution ?
- Oui, c'est ce qui permet à des terroristes de vivre le rêve américain juste avant d'entreprendre de le détruire.
- De quel droit vous faites ça ? Qui êtes-vous ?
- Je suis le futur.On est à peine trois ou quatre semaines après la ratification du Patriot Act et onze ans avant l'affaire Snowden. C'est-à-dire que même dans la nullité de ses derniers soubresauts,
X-Files pouvait encore réfléchir par intermittence des choses que les autres ne voyaient simplement pas - ou approuvaient. La prise de pouvoir d'un petit groupe d'inconnus situé en dehors de toutes les instances de façade. Carter a en outre eu l'intuition que la culture conspirationniste serait fusionnée au millénarisme et dépasserait le seul cadre du politique pour se confondre avec le religieux voire le sectaire : le siège de Waco, l'attentat d'Oklahoma City, le suicide collectif du Temple Solaire, l'attaque tokyoïte au gaz sarin... tout convergeait vers une mystique de la destruction et/ou de la renaissance. Peu de séries ont été innervées de leur époque avec un pareil flair.