Je parle dans le vent, mais ne vous inquiétez pas : j'ai l'habitude
Petit cycle consacré à Pierre Schoendoerffer.
Le Crabe-Tambour : Sur un navire de la marine française en route pour Saint-Pierre et Terreneuve, le médecin du bord évoque ses souvenirs d'un officier excentrique surnommé le Crabe-Tambour. Il ignorait que le commandant du navire l'avait aussi rencontré.
Précisons d'entrée que ce film peut être considéré comme la suite de
La 317ème section ; c'est d'ailleurs un peu bizarre, car Jacques Perrin y tient deux rôles différents, mais bon... Tout cela pour dire que si vous comptez regarder les deux - ce que je vous encourage à faire - il convient de les regarder dans l'ordre.
Le long-métrage qui permit à Jean Rochefort de remporter son César du meilleur acteur. A raison, même si j'estime que les deux autres rôles principaux - Jacques Perrin et Claude Rich - offrent une prestation tout aussi mémorable.
Pierre Schoendoerffer revient sur son sujet fétiche : la Guerre d'Indochine (il y fit l'expérience des camps de prisonniers). Même si son évocation se fait à travers les récits des personnages, et la figure fantomatique du Crabe-Tambour, qui plane sur ceux qui l'ont croisé. Étrangement, le récit prend la forme d'une enquête, Claude Rich glanant ça et là des informations sur le parcours de son ancien officier et ami pour savoir ce qu'il y a bien pu lui arriver après la guerre, et en quoi Jean Rochefort est lié à lui.
Le réalisateur joue sur les contrastes. D'un côté les mers arctiques, Saint-Pierre-et-Miquelon, le froid, l'océan déchainé, et une photographie terne mais envoutante à la fois. De l'autre l'Indochine, une nature luxuriante. Et en toile de fond, les informations relatant la chute de Saigon suite au retrait des forces américaines.
Entre son cadre rare et intimiste, une histoire tout en non-dits, et la prestation des trois acteurs principaux, il s'agit d'un très grand film français.
La Section Anderson : En 1966, Pierre Schoendoerffer part au Vietnam suivre une section de l'armée américaine pendant 6 semaines.
Et deux ans plus tard, il repart avec l'Academy Award du meilleur documentaire. Il y a plusieurs éléments que je retiens de ce long-métrage. A la différence de la majeure partie des films sur le sujet, celui-ci se déroule durant les toutes premières années, soit à un moment où les soldats avaient encore un semblant d'idéal, avant que cela parte en vrille dans tous les sens ; les œuvres les plus célèbres sur cette guerre, outre le fait qu'il s'agisse de fictions, se passent quelques années plus tard, dans un climat plus nihiliste. Le fait que
La Section Anderson date de l'époque des faits apparait aussi comme un atout. Autre élément, le réalisateur nous indique d'entrée être parti en pensant filmer le Vietnam, mais que sur place, c'est l'Amérique qu'il a couché sur pellicules, dans sa mixité et ses contradictions.
Les images elles-mêmes sont aujourd'hui connues, même si lors de sa diffusion, elles ont pu surprendre. Le plus incroyable, c'est l'impression qu'ils ne combattent sur aucun front précis, ne suivent aucune logique dans leur déplacement ; ils passent d'un point A à un point B, tombent ou non sur "Charlie",... C'est vraiment une drôle de guerre. A ce titre, ce document d'époque mérite le coup d’œil.
Reminiscence : A voir dans la foulée de
La Section Anderson, puisqu'il s'agit du "20 ans après", lorsque le réalisateur part à la recherche de ses amis, ceux de la section. Certains sont morts, d'autres n'ont pu être retrouvés.
Cette suite m'a fait une impression beaucoup plus forte que le premier documentaire, même si ce-dernier reste indispensable pour apprendre à connaitre ces hommes. Et c'est justement parce que nous les connaissons que ce qui leur arrive nous touche. Tous ont été marqués, d'une façon ou d'une autre, par leur expérience au Vietnam. Certains s'en accommodent, d'autres non. Certains ont mené une belle vie, d'autres non. Mais restent toujours ce sentiment d'avoir perdu leur guerre, et d'avoir été rejetés par la population américaine, bien qu'ayant combattu aux premières heures du conflit, avant que les protestations sociales qu'il engendra aux USA. Ils expliquent avoir été traités de drogués, de tueurs de femmes et d'enfants. Tous ont quelque chose à raconter, même si le réalisateur ne garde finalement que ce qu'il souhaite. Il ne s'agit pas pour autant d'un film à charge contre l'Amérique ou le gouvernement - qui n'est d'ailleurs jamais évoqué - mais plus d'un constat, du devenir des hommes qu'il a rencontré et appris à connaitre au cœur de la jungle. Et, comme mentionné tantôt, cela fonctionne d'autant mieux que nous avons nous-aussi appris à les connaitre.