Tetho a écrit:Et c'est pas le trou noir intellectuel et artistique qu'est devenu le cinéma japonais qui va tirer la chose vers le haut.
C'est un sujet très intéressant et qui va dans le sens d'un contexte politique plus large.
Deluxe a écrit:Après tout, pour nous Makoto Shinkai c'est déjà plus très frais mais pour beaucoup d'autres c'est une révélation.
Si les premières générations de fans en France avaient découvert l'animation japonaise par le biais de la naphtaline de Shinkai elles auraient déjà tiré un trait sur cette culture, ou tout du moins n'y aurait conféré aucune importance particulière. C'est pas une phrase lancée pour le plaisir d'être lapidaire, c'est juste une question de demande. L'animation japonaise, peu importe que ce soit sur le fond ou la forme, lorsqu'elle n'est pas l'alternative à quelque chose d'autre ne rayonne pas.
On ne peut pas avoir la même exigence entre le milieu du cinéma d'animation et celui des séries.
Aujourd'hui c'est dans la catégorie des productions TV que l'animation japonaise domine artistiquement le reste du monde. L'offre des autres pays est concentrée sur l'enfance donc même avec 2% à 5% de séries dignes d'intérêt l'archipel enjambe tout le reste. Sur grand écran, sa suprématie n'est en revanche plus du tout un postulat.
L'état de l'industrie des séries est bien plus problématique, car elle est entre les mains de sociétés (Aniplex, Bandai, les éditeurs...) et non de créatifs.
Ben thread oblige, aucun créatif un tant soit peu connu (à part Yuasa) ne s'est appuyé sur le système du crowfunding pour émettre une idée neuve ou audacieuse à l'endroit du public. Le bagage culturel, pas celui qui sait la masse atomique du cobalt mais simplement la conscience de ce qui est et de ce qui a été en animation, est assez bas dans l'industrie japonaise. Le souci ne vient pas d'Aniplex mais des créatifs eux-mêmes, qui sont pour beaucoup de moins en moins de vrais réalisateurs, et de plus en plus des directeurs de l'animation promus. Lis quelques interviews de Shinkai ou Aoki. Ils n'utilisent pas le langage des concepts ou des idées comme un Rintaro ou un Anno, or un réalisateur c'est avant tout ça, et tout le reste devrait venir après.
Le jour où les Coréens ou les Chinois parviendront à créer des animes plus cools que ceux des Japonais, ces derniers seront obligés de se sortir les doigts.
Ils n'y "parviendront" pas parce que 1) ils n'ont jamais été occupés par les USA 2) ce n'est absolument pas le créneau qu'ils ont choisi. L'animation japonaise du fait de son histoire matérielle est de très loin la plus occidentale des trois, la plus compatible avec les attentes du marché mondial. Les chinois fabriquent essentiellement des produits familiaux en 3D car ils se rêvent à terme (et là on rit) en opposition directe à Pixar. En-dehors du circuit du court-métrage et de quelques exceptions notables comme les films indépendants de Jian Liu qui abordent la délinquance ou la pauvreté, c'est encore un cinéma d'animation relativement bateau et lisse, aussi uncool que le gouvernement qui le chaperonne - et dont les traits d'humour sont culturellement incompréhensibles pour un public français. Le cas du cinéma d'animation coréen est plus contrasté ; quelques productions dotées de davantage de moyens singent les graphismes nippons parce que sur un malentendu ça peut marcher, mais il y a aussi tout un versant plus "social" imbriqué dans la description de la société coréenne, à la technique rudimentaire mais qui dégage l'énergie du désespoir. C'est souvent maladroit et fauché, même pour les plus vendeurs comme Sang-Ho Yeon, mais si les budgets et la qualité d'animation locale devaient augmenter prochainement il y aurait là une animation bis avec une vraie identité pour un public de niche en recherche de choses plus crues.