MUTAFUKAZ
Réalisation : Shoujirou Nishimi et Guillaume Renard (Run)
Scénario : Guillaume Renard (Run) d'après sa BD du même nom.
Animation : Studio 4°C
A l’heure de ce post, le film franco-japonais est encore à la recherche d’un distributeur.
La vie d'Angelino, jeune paumé qui traîne ses baskets dans les bas-fonds de Dark Meat City, change du tout au tout l'après-midi où un accident de scooter déclenche en lui des pouvoirs dont il ne soupçonnait pas l'existence. Pourchassé dès lors par des hommes en noir armés jusqu'aux dents, il tentera avec son pote Vinz de comprendre le pourquoi du comment du pétrin dans lequel il s'est fourré malgré lui...
Serpent de mer, en production depuis huit ans chez Ankama et Studio 4°C, Mutafukaz a connu bien des déboires et souffrances à l’accouchement au point que sa seule existence soit déjà une prouesse à saluer. Formellement rien à redire. Assis sur un savoir-faire japonais synonyme de techniquement au-dessus du lot et de tours de cascadeurs en-veux-tu en-voilà, le film jouit en outre d’une direction artistique chaude et puissante aux inspirations fortement chicanos et west coast. Les briques sentent le crados, les favelas brûlent comme le feu, le son tape dans tes woofers, le résultat à la façon vieux djeunz est fantastique comme convenu. L’histoire, sorte d'amalgame sanglant de La Haine et d'Invasion Los Angeles, est moins concluante. Truffée d’allusions multiples à la culture ado (GTA, le catch mexicain, le groupe de rap Run DMC) et d’iconographies empruntées au cinéma un peu "in" de la fin du siècle dernier (on songe, entre autres, à Brazil, Akira et Reservoir Dogs), elle marche davantage de par l’effusion d’action musclée à l’écran et un rythme de clip vidéo constamment pêchu que par la cohérence de son sujet, écartelé entre une fascination pour la violence mafieuse et ghettoïde d'un NWA, le buddy-movie et une fibre plus SF qui cohabitent de façon vacillante. Heureusement, les murs fondateurs du métrage que sont les personnages principaux, Lino, Vinz et Willy parviennent plutôt bien à capter l’attachement du spectateur, et ce même en dépit d’un doublage pas hyper-convaincant, parsemé de wesh t’es ouf folkloriques qui avaient déjà diminué un titre comme Lastman. C’est que le jeunisme revendiqué de Mutafukaz fait à la fois sa force et sa faiblesse : c’est lui qui confère au film son énergie débridée, sa formidable stylisation, sa brutalité primale, son côté vilain garçon et sa fascinante schyzophrénie entre le choix du nihilisme et celui du sentimentalisme (une caractéristique de l'époque), en même temps qu’il le restreint à être un alliage plus ou moins hétéroclite, plus ou moins bricolé, des trente films/mangas préférés de son auteur. Dynamique, difficile à tancer pour un fan d’animation tant le produit déborde d’entrain et irradie de sa subculture, on peut imaginer en revanche que le public cinéphile lui n’y verra qu'un capharnaüm frappé du sceau de la post-modernité. Affaire de génération, mais Mutafukaz trouvera à coup sûr ses fans.