PATEMA INVERTED (SAKASAMA NO PATEMA)Réalisation / Scénario / Compositing / Tout Un Tas De Trucs : Yasuhiro Yoshiura (
Eve No Jikan)
Animation : Purple Cow
Patema est une jeune fille de treize ans vivant dans les tréfonds du monde souterrain. Age est un collégien rêveur résidant dans la cité totalitaire de Aiga. La rencontre interdite des deux enfants deviendra celle des deux mondes
à la gravité opposée : "Imaginez l'univers tel que le voit Patema". Avec
Time Of Eve, Yasuhiro Yoshiura proposait au spectateur un anime de pure SF offrant quelques concessions au public anime-fan.
Patema Inverted est un peu le reflet... inversé, de la démarche qui l'a fait connaître et respecter en dépit des quelques lacunes de rythme qui caractérisaient ses premiers récits : film d'aventure emmitouflé dans la recette éprouvée du "Boy Saves Pretty Girl", déroulant une romance naïve sur laquelle repose l'espoir d'une mutuelle réconciliation entre les Hommes, le long-métrage n'évoque finalement que très succinctement ses motifs SF, ne prenant jamais réellement le temps d'expliquer l'origine du Grand Changement ayant affecté la planète. Tout juste ce dernier est-il entraperçu dans l'introduction via des archives vidéos pixellisées rappelant immanquablement l'Episode 21 de
Evangelion. Pour le reste, on pense essentiellement, toutes proportions gardées, à des anime tels que
Eureka seveN,
Laputa ou
Fractale, dans la mesure où la relation entre Patema et Age monopolise l'écran et que l'enjeu principal s'articule autour de l'obligation du héros de devenir un vaillant spécimen pour protéger celle dont il est épris d'un vieux méchant ivre de pouvoir.
La direction artistique du monde de Patema, renvoyant à certains anime troglodytes ou tech-noir tels que
Manie Manie ou
Metropolis, est particulièrement réussie ; hélas, seul un petit tiers du film prend place dans ses corridors semés de transformateurs électriques et de bouches d'aération. Très vite, la terre ferme de Aiga prend le relai, mais celle-ci bénéficie d'un traitement beaucoup plus quelconque. En dépit d'un budget que l'on devine concentré, le long-métrage fournit une
production value tout ce qu'il y a de plus honnête. Une prouesse d'autant plus remarquable que, pour ceux qui n'auraient toujours pas compris le bidule, les deux protagonistes passent près de 1h30 à l'envers/l'endroit de l'autre ; on imagine le casse-tête que cela a pu représenter pour les animateurs clefs lors des nombreuses séquences exigeant des interactions sophistiquées entre les personnages. La principale réussite du film se situe dans les images permises par son concept, lequel fait office d'allégorie dont la force intrinsèque se suffit souvent à elle-même.
Mais bien que l'anime de Yoshiura soit raisonnablement attachant, conséquence de son idéalisme oscillant entre niaiserie et pureté touchante, et sans doute plus intéressant que la dernière itération du modèle Shinkai, on ne peut s'empêcher de penser que des dialogues mieux ciselés - le potentiel philosophique et humoristique de l'histoire était prodigieux et susceptible de donner lieu à de jolies réflexions - ainsi qu'une plus grande variété des situations - on a vite fait le tour des différents gimmicks et le scénario du film n'offre littéralement aucun rebondissement - auraient pu le transcender et en faire le véritable classique qu'il aurait dû être. Ici, en l'état,
Patema Inverted est une tentative à demi-réussie dont la candeur saura manifestement communiquer avec un pan du public, mais qui aurait énormément gagné à dispenser une matière intellectuelle plus copieuse et un script à peine moins linéaire.