OK, le nationalisme romantique, c'était peut-être encore à la mode en 1974, mais aujourd'hui ?
Dans les faits, même si la constitution japonais d'après guerre contient une clause interdisant au Japon d'avoir recours à la force armée pour résoudre les conflits internationaux (en gros, à lui interdire de faire la guerre en dehors du Japon), il n'y a guère que la population civile qui a l'avoir cru (du moins, dans les apparences).
Le système politique japonais (et plus spécifiquement le PLD) n'a, de son côté, jamais vraiment tourné la page du nationalisme patriotique, puisque les "épurations" dans les secteurs industriels, politiques et militaire durant l'occupation américaine ont été bien moins significatives qu'on aurait pu le croire/le vouloir (et bien moins importantes que ce qui a pu avoir eu lieu en Allemagne, par exemple).
Conséquence directe (AMHA), le système éducatif japonais, pourri par un révisionnisme gouvernemental, ne reflète pas la véritable responsabilité du Japon durant la Seconde Guerre Mondiale (ses crimes de guerre, notamment), échouant à faire prendre conscience à la population japonaise les véritables tenants de ce qui s'est passé alors, ni sur les atrocités commises par les troupes japonais à travers toute l'Asie, et produisant au contraire un terreau fertile approprié à la perpétuation du nationalisme japonais. Mais je vais revenir là-dessus un peu plus loin.
Dès lors, il n'est pas illusoire de penser qu'en 1974, malgré un pacifisme de façade, le sentiment nationaliste était toujours présent.
Une vision "romantique-nationaliste" ne parait alors pas tout à fait déplacée dans un tel contexte. Si je ne me trompe pas, il y avait encore dans les années 60 et 70 beaucoup de mangas qui parlaient de la Seconde Guerre Mondiale.
Mais aujourd'hui, en 2013, qu'en est-il au juste ?
Revenons encore en arrière. 1974, c'est 29 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Entre 1974 et 2013, il s'est écoulé 39 ans. Ça signifie non seulement que le second conflit mondial est encore plus éloigné de nous qu'il l'était déjà aux gens de 1974, mais que le temps qui nous sépare de la première série est encore plus long que celui qui le sépare de la Seconde Guerre Mondiale.
Pour les jeunes générations d'aujourd'hui, la Seconde Guerre Mondiale c'est donc loin. Très loin et assez abstrait.
Mais qu'en est-il du nationalisme, dans ce cas ?
Hélas, j'ai envie de dire qu'il se porte toujours aussi bien qu'à l'époque (c'est à dire que dans les années 70, voire bien avant...). J'ai dans mon entourage un pote japonais qui en est l'illustration parfaite... Mille fois hélas.
Sachant que le système politique japonais n'a jamais vraiment su faire le ménage au niveau nationalisme, que le système éducatif a échoué dans son devoir éducatif pour aider la population a effectuer un travail de mémoire, alors que les Allemands, au contraire, l'ont trop bien fait, au point de développer un sentiment de honte national.
Tout ce que les Japonais d'aujourd'hui ont retenu, c'est qu'ils ont effectivement une "certaine" responsabilité dans le déclenchement de la Guerre du Pacifique, mais qu'ils estiment avoir suffisamment payé en 44-45 (bombardements systématiques par les Américains des agglomérations civiles avec des bombes incendiaires, puis les deux bombardements atomiques) pour pouvoir s'ériger finalement en "victimes" (perso, j'estime que c'est l'hôpital qui se fout de la charité).
Exemple tout con : le cinéma de guerre japonais d'après-guerre. On remarquera qu'elles se déroulent presque toutes vers la fin du conflit, alors que l'armée et la marine impériale reculent sur tous les fronts et que le territoire nippon est directement attaqué par les Alliés. Beaucoup parlent bien évidemment du traumatisme causé par les deux bombes atomiques.
On peut néanmoins distinguer nettement deux tendances.
Dans la première, des films profondément anti-militaristes montrent à chaque fois la population civile qui s'en prend plein la gueule (avec ou sans exagération), victime des bombardements américains, et qui subit aussi le militarisme japonais institué par l'élite dirigeante.
Dans la seconde, plus controversée, l'armée est mise en scène, mais on occulte le rôle qu'elle a joué au début du conflit. On ne parle pas de la guerre ou de sa signification, mais on se penche plutôt (uniquement ?) sur les individus qui l'ont faite et l'évènement mis en scène dans le film. Les officiers sont souvent présentés comme des sadiques sanguinaires fauteurs de guerre, alors que les hommes du rang sont de vaillants petits soldats défenseurs de la mère patrie, qui se battent désespérément et se sacrifient jusqu'au dernier homme ("Otokotachi no Yamato" (tiens, tiens ?) ou encore "Ore wa, kimi no tame ni koso shini ni iku" de 2007).
"Bouuuuhouuuuh, on est des victimes-caliméroesques, on est attaqués de toutes parts, mais on se battra jusqu'au dernier pour la patrie car on des de gentils Japonais ! Vive le Japon ! Vive l'empereur !"
Bref, le cinéma de guerre japonais présente la population civile japonaise comme une victime à la fois des bombardements Alliés, mais aussi des mensonges et malversation de leurs dirigeants. Du rôle de l'armée dans les années 35~42... rien !
La ficelle est tellement grosse que perso, ça me donne la gerbe. AMHA, les Japonais sont loin d'être que des victimes de la Seconde Guerre Mondiale...
Or, depuis les années 2000, on a pu remarquer un glissement progressif du paysage politique japonais vers la droite, et l'exacerbation d'un nationalisme de mauvais aloi.
Cela s'exprime, du point de vue de la politique extérieur du Japon, par l'envoi de troupes en Irak, par des revendications territoriales qui remettent en cause l'équilibre instauré après-guerre, et par une arrogance politique qui n'est pas sans attiser l'hostilité de certains pays voisins.
Cette "arrogance" à nette consonance nationaliste déteint également sur la population. Je ne dis pas que la population entière est prête à jeter à bas sa constitution et reprendre les armes, mais on peut noter que, même 70 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le nationalisme japonais a encore une belle audience, comme si le Japon n'avait pas retenu les leçons de la guerre.
Et de fait, c'est un peu le cas, comme je l'ai dit plus haut : le système éducatif qui minimise la responsabilité du Japon durant la guerre. Du coup, la population ne sait pas grand chose de ce qui s'est passé et ne comprend pas pourquoi certains pays voisins lui en veulent toujours pour des choses que les Japonais jugent "mineures et qui se sont passées il y a 70 ans" (note : les gouvernements japonais successifs ont longtemps rechigné à présenter des excuses officielles aux pays occupés depuis la fin du conflit. Ils n'y ont consenti que vers les années 90, du bout des lèvres, en se contredisant ou se rétractant parfois, ce qui entretient les tensions avec les ex-pays victimes. Néanmoins, des excuses formelles ont été de fait bel et bien présentées, de plus en plus nombreuses, depuis les années 90 et 2000), mais pas assez du point de vue opposé.
Malgré tout, le sentiment populaire général, c'est que "tout cela, c'est du passé et que ça ne concerne pas les générations d'après-guerre, voire même chez certains, que les ###### et les XXXXX et les ++++++ sont cons et lourds d'insister lourdement là-dessus, et combien de fois faudra-t-il encore qu'on s'excuse plus bas que terre ? Et blablabla". Comme je le disais plus haut, je sais de quoi je parle : je suis aux premières loges pour le constater.
Néanmoins, malgré cette résurgence du nationaliste ces dernières années, on peut se demander si, en contrepartie, il ne se développe pas une tendance inverse ?
Le combat constant de certains historiens pour rétablir la vérité et le fait que les jeunes générations n'ont plus la même approche de la dernière guerre que les générations précédentes fait qu'une conscience plus aigüe du rôle du Japon durant le conflit est en train de se développer dans l'archipel nippon.
Pour en revenir au sujet du topic, le fait que dans Yamato 2199, les origines de la guerre contre Gamilas aient été modifiées par rapport à la série de 1974, ne s'inscrit-il pas dans cette vision ? Ou est-ce moi qui imagine tout ?
Je m'explique. Alors que dans la première série, Gamilas était clairement identifié comme étant l'agresseur unilatéral, dans Yamato 2199, on apprend que c'est la Terre qui a ouvert les hostilités. Et ça, ça change profondément la nature du conflit, puisque du coup, les méchants ne sont peut-être pas ce que l'on croit.
Du coup, on sort du schéma classique (cliché ?) du cinéma de guerre japonais ("bouuuhouuuh, on est des victimes") pour s'engager dans une vision un peu plus honnête ("OK, on s'en prend plein la gueule, mais c'est peut-être de notre faute, à la base ?"). Des oeuvres, comme Zipang par exemple (même si elle diverge rapidement vers l'uchronie), pourraient indiquer que le monde du manga et de l'animation japonaise s'engage dans cette nouvelle voie, là où le cinéma est encore embourbé dans ses clichés caliméroesques.
En tous cas, j'aimerais le croire.