
Réalisation : Sunao Katabuchi
Scénario : Sunao Katabuchi et Chie Uratani d’après le manga de Fumiyo Kouno.
Animation : MAPPA
Best Animation Japan Academy 2017, Prix du Jury Annecy 2017.
Sortie française le 13 Septembre 2017.
Seconde Guerre Mondiale. Mariée très tôt à un militaire, Suzu a quitté Hiroshima pour vivre dans la maison de ses beaux-parents à Kure. Tandis que les relations américano-japonaises prennent un tour de plus en plus brutal, la jeune femme essaie de mener une existence ordinaire…
Hideaki Anno avait critiqué le projet de chez MAPPA, lui reprochant de dédier 130 minutes à une jeune femme qui ne fait rien ; outre qu’il paraît difficile de faire quelque chose contre des bombardements, on aurait plutôt préféré qu’il concentre ses tirs sur le vide intégral d'un Miss Hokusai, dont la protagoniste elle, pour le coup, n’avait rien de plus à proposer qu’être la fille de.
On avait quitté Sunao Katabuchi sur le tiède Mai Mai Miracle, autre film d’époque planté en territoires champêtres, mais conçu comme une suite de saynètes sans fil directeur autre que la nostalgie au point de tourner à vide après une première heure pas désagréable. Si cette dimension du quotidien (des tâches domestiques en veux-tu en voilà) est plus que jamais présente dans ce Un Recoin De Ce Monde incrusté de tranches de vie en quantité industrielle, son nouveau métrage boxe pourtant très clairement dans la catégorie du dessus. Car cette fois le film a bien un sujet qui trotte discrètement dans ses artères ; il s’agit de montrer, de façon chronologique qui plus est, jusqu’où l’on peut vivre à peu près normalement en temps de guerre. Ôde douce-amère à l’optimisme, l’œuvre dépose épreuves et tracas en tous genres sur les épaules de la modeste et très attachante Suzu, dont elle triomphe toujours de par sa persévérante candeur. Dès lors les séquences sous forme de sketches se multiplient, les unes après les autres, et pas toujours sur un mode similaire (les tensions avec la belle-sœur, recette de cuisine, balade en ville) mais le contexte historique demeure, faisant office d’amarres plus ou moins fonctionnelles. Jusqu’au moment, inévitable, redouté et redoutable, où il bondit hors de l’arrière-plan pour toucher les personnages. Si la surprise n’est pas au rendez-vous, surtout compte tenu du profil bien identifié du film, le graphisme aux allures d’imprimé, le trait à peine naïf confèrent beaucoup de puissance et de dureté à l'instant. Et les suites émotionnelles de l’évènement d’ouvrir la voie à plusieurs magnifiques effets épurés du réalisateur. L’optimisme en vigueur survivra-t-il à la vernaculaire cruauté de l'animation japonaise ?
Malgré une ou deux inutiles ruptures de ton rappelant son prédécesseur, quelques longueurs superflues, et plus généralement en dépit de son appartenance à une offre thématique sur-représentée dans le cinéma japonais (je pense à toi Giovanni’s Island), Dans Un Recoin De Ce Monde est plutôt un bon film. Pas de ceux que l’on reverra plusieurs fois, non, mais bien de ceux qui justifient que le dessin-animé nippon ne soit pas encore complètement grillé auprès du public international.