Ce qui me dérange vraiment dans cette croisade contre
le manga français c'est ce qu'elle sous-entends, consciemment ou non. Ceux qui veulent interdire cette idée même cherchent simplement à préserver l'idée d'un manga "pur" entièrement japonais, créé au Japon et tout. Ils ne vont pas critiquer ces bandes-dessinées pour ce qu'elle sont, pour leurs qualités et leurs défauts, mais sur la démarche même de faire de la BD "comme les japonais". On les étiquette tous comme des aberrations artistiques qui n'ont pas de raisons d'être.
Comme si, après 25 ans de publication régulière de mangas en France, après deux générations chez qui c'est devenu un produit culturel comme un autre, au même rang que les films américains ou le rock britannique, il était encore impensable de vouloir faire de la BD sous cette forme parce
que c'est ce qui nous inspire. Parce qu'on a envie de faire du feuilleton et pas des albums de 44p avec des histoires complètes. Parce qu'on trouve des qualités au dessin en noir et blanc et que les trames c'est aujourd'hui une esthétique à part entière et pas un bête choix économique. Parce que le format poche c'est populaire, ça coute pas cher et donc c'est séduisant.
Merde, quand Hirohiko Araki réalise un album A4 couleur de 100 pages
avec un personnage de Jojo pour un éditeur français, personne mais PERSONNE au Japon vient le faire chier en lui disant que c'est pas du manga mais de la BD. Quand Kia Asamia a adapté
The Phantom Menace en manga pour le marché occidental, personne ne l'a fait chier que c'est pas du manga mais un comics. Personne ne fait chier Marco Rota pour ses BD
Picsou réalisées pour le marché Italien et européen, personne ne va dire que c'est pas la même chose que celles de Don Rosa ou des autres auteurs américains. Elles sont publiées chez nous cote-à-cote dans
Picsou Mag ou
Super Picsou Géant et ça ne choque personne.
Mais un français essaye de faire un format similaire à ce qui se fait au Japon, tous aux abris il faut refuser à cette chose toute légitimité artistique ou c'est la fin de la Culture telle qu'on la connait.
Mais putain, mon
Sensei to Sempai que j'ai réalisé avec Van pour le Comiket, donc le marché japonais, c'est du
dôjinshi ou du fanzine ?
Ben vous savez quoi ? C'est les deux, parce que les deux putains de mots désignent la même putain de chose, juste dans deux putains langues différentes.
Si on arrêtait de s'attacher un peu trop aux étiquettes comme monsieur Jourdain ça irait bien mieux. Je vous assure. Et c'est pour ça que si j'avais un conseil à donner aux apprentis mangakas occidentaux, c'est de partir au Japon se former sur place et faire l'assistants chez des mangakas établis, faire du
dôjinshi en parallèle, puis chercher à se faire éditer là bas. Parce que après ça personne ne viendra les faire chier pour des question de format et les éditeurs fr qui les ont snobés en France seront d'un coup autrement plus ouverts à l'idée de les éditer.
Parce que dans le fond ce qui se passe avec ce débat c'est exactement la même volonté d'ostraciser une forme de produit culturel que celle qu'avait les lecteurs de BD il y a 25 ans quand Glénat a commencé à publier du manga.
Merde quoi, qu'importe le flacon tant qu'on ait l'ivresse.
Et maintenant, indépendamment de ce que je viens de dire, aucun
manga français ne m'a jamais vraiment convaincu. Je n'accroche pas à
Dreamland, même si je lui reconnait des qualités, et
DYS et
Magical JanKanPon me sont apparus comme fort mauvais. Même chose chez la partie de la prod des Humano que j'avais pu lire ou chez les tentatives de faire des titres avec des scénaristes français et des dessinateurs japonais d'Ankama. A chaque fois, quoi qu'il arrive, ça ne passe pas. Sans pouvoir pointer pourquoi je sais que ce n'est pas du manga comme les "vrais" mangas. Ce qui me fait dire que l'hybridation à la
Sentai School est la forme qui fonctionne le mieux, jusqu'à preuve du contraire.
Mais c'est pas pour autant que je vais atomiser depuis une orbite toute la démarche.
Gemini a écrit:Bien sûr que Sentai School est aussi une oeuvre sous influence, mais ce n'est pas un manga pour autant, et les auteurs ne considèrent pas en faire.
Et pourtant Cardona a lui même publiquement considéré que
Magical janKenPon est un
manga...